Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Les défis liés au développement du nucléaire

Au sein de l’UE, nous assistons en effet à un regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire dans plusieurs États membres, en raison de sa capacité à relever plusieurs défis récents :
• le défi climatique et la nécessité de décarboner le mix énergétique,
• la sécurité de l’approvisionnement en électricité,
• et autonomie stratégique de l’UE.
La part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie doublera en 2040, passant de 25 % aujourd’hui à environ 50 % en 2040.
Les énergies renouvelables avec une part majoritaire, complétées par l’énergie nucléaire, produiront plus de 90 % de la consommation d’électricité dans l’UE en 2040.
Nous reconnaissons que les États membres suivent différentes approches pour garantir la sécurité énergétique à un coût abordable.
Ils ont le droit souverain de décider d’inclure ou non l’énergie nucléaire dans leur propre bouquet énergétique.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation, nous devons exploiter pleinement le potentiel du nucléaire dans les États membres de l’UE qui souhaitent l’utiliser.
Cela se reflète désormais dans la communication de la Commission sur les objectifs climatiques pour 2040 adoptée le 6 février. La communication fait suite à des mesures spécifiques prises par la Commission au cours des deux dernières années pour faciliter la poursuite de l’utilisation du nucléaire : taxonomie, réforme du marché de l’électricité, Net-Zero Industry Act (NZIA), paquet « décarbonisation du gaz et de l’hydrogène ».
Il est vrai que nous assistons à un regain d’intérêt autour de l’énergie nucléaire, non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier. En témoigne notamment la déclaration appelant à tripler les capacités nucléaires publiée lors de la COP 28 à Dubaï parrainée par les États-Unis et soutenue par 22 pays, dont plusieurs États membres de l’UE.
Pour autant, ce renouveau est subordonné à plusieurs prérequis importants :
Tout d’abord, priorité à la sûreté : cela vaut à la fois pour l’extension de la durée de fonctionnement des installations existantes et pour les nouvelles constructions, dans des États-membres ayant déjà une organisation de la sûreté nucléaire bien établie ou pour les États-membres souhaitant s’engager pour la première fois dans le recours à l’énergie nucléaire, pour les technologies traditionnelles équipant des réacteurs de grande puissance ou des technologies innovantes telles que les Small Modular Reactors (SMRs).
Il est essentiel que les États membres disposent de régulateurs solides en matière de sûreté nucléaire, dotés de ressources humaines et financières suffisantes, afin de pouvoir pleinement et en toute indépendance, exercer leur contrôle sur les installations existantes et les nouveaux projets nucléaires.
Il importe également d’associer largement le public aux procédures administratives engagées.

En second lieu, nous devons veiller à ce que l’écosystème nucléaire de l’UE reste adapté aux nouveaux défis : cela nécessite non seulement la disponibilité de capacités de production industrielle européennes, mais aussi un capital humain suffisant — dans l’industrie, dans les administrations publiques et chez les régulateurs indépendants en charge de la sûreté.
Et une grande attention est accordée par un certain nombre d’États membres aux technologies nucléaires avancées et aux petits réacteurs modulaires SMRs.
S’agissant en particulier des SMRs, nous soutenons une chaîne d’approvisionnement de l’UE pour tous les projets SMR dans l’UE, quel que soit le vendeur.
À cet égard, je tiens à souligner par exemple le projet de SMR « Nuward » porté en France par EDF et ses partenaires.
Dans ce contexte, la Commission a lancé l’Alliance industrielle des SMR le 6 février afin de stimuler le développement et le déploiement des premiers projets SMR dans l’UE d’ici le début des années 2030.
La délivrance des autorisations
d’exploiter ces nouveaux petits réacteurs modulaires sera notamment une question essentielle pour leur déploiement. Au niveau européen, l’octroi des autorisations relève de la responsabilité nationale et le rôle de la Commission est de favoriser une éventuelle convergence des processus nationaux d’octroi de ces licences grâce à une collaboration plus étroite entre les autorités de régulation intéressées. Nous examinons les possibilités de soutenir cette collaboration dans le cadre du groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG).
Pour disposer d’un fonctionnement sûr, durable et fiable de toutes les technologies nucléaires, une main-d’œuvre qualifiée est de la plus haute importance.
Rien qu’en France, nous notons le besoin d’environ 100 000 recrutements en équivalent temps plein sur 10 ans.
Dans cette perspective, la Commission a mis en place un Observatoire européen des ressources humaines pour le secteur de l’énergie nucléaire (EHRO-N).
La législation pour une industrie « net zéro » (NZIA) introduit de nouvelles mesures qui contribueront à la création d’emplois de qualité.
Le programme Euratom pour la recherche et la formation est un outil essentiel pour coordonner la recherche nucléaire (budget pluriannuel actuel, de 1,38 milliards d’euros.

Troisièmement, la sécurité des approvisionnements de l’amont de la chaîne du nucléaire
Afin de faire face aux perturbations du marché mondial de l’énergie, l’UE a adopté son plan REPowerEU, dont l’une des priorités est la diversification de l’approvisionnement énergétique, y compris la diversification de la chaîne d’approvisionnement en combustible nucléaire.
Cette question cruciale de la sécurité des approvisionnements concerne non seulement les États-membres exploitant des technologies VVER, mais aussi pour les capacités de conversion ou d’enrichissement, les pièces détachées et les activités de maintenance, afin d’éviter de dépendre de partenaires internationaux imprévisibles.
Et l’UE est en voie de réduire cette dépendance. La Commission a collaboré avec les États membres de l’UE exploitant des réacteurs de conception russe pour faire progresser la diversification des approvisionnements en dehors de la Russie. Nous travaillons également avec des partenaires internationaux fiables pour accroître la capacité occidentale mondiale en matière de services de combustible nucléaire.

Quatrièmement, nous devons aussi continuer à relever les défis liés à la gestion des déchets radioactifs et au démantèlement dans les meilleures conditions. Les États membres doivent être prêts à y faire face en planifiant ces actions et en mobilisant les financements nécessaires.
Des solutions à long terme (tel que le projet CIGEO) doivent être développées pour le stockage des déchets hautement radioactifs produits par les installations nucléaires jusqu’à leur démantèlement. C’est un élément essentiel pour une utilisation de l’énergie nucléaire respectueuse de l’environnement.
En conclusion, et dans la perspective de ce regain d’intérêt pour le nucléaire en Europe :
La priorité de la Commission est de veiller à ce que l’énergie nucléaire ne soit utilisée qu’avec les normes de sûreté les plus élevées
Nous devons soutenir la compétitivité, en termes de chaîne d’approvisionnement industrielle et de développement des compétences.
La Commission se mobilise également depuis plusieurs années afin de renforcer la sécurité des approvisionnements en Europe.
Enfin, la soutenabilité de l’aval du cycle doit être garantie.

 

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Directeur général adjoint à l'Energie, Commission Européenne

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