Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Les neuf déterminants du cours des hydrocarbures

Les treize membres de l’OPEP sont l’Algérie, l’Angola, l’Arabie saoudite, le Congo, les Émirats arabes unis, le Gabon, la Guinée équatoriale, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Libye, le Nigeria et le Venezuela.

Les 10 autres pays membres de l’OPEP+ sont l’Azerbaïdjan,  le Bahreïn, le Brunéi, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman , le Soudan , le Soudan Sud et la Russie, principal acteur . 

Selon l’Agence internationale de l’Énergie, l’OPEP représente 34% de la production mondiale et l’OPEP+ compte pour environ 51% de la production mondiale de pétrole.

(Le 20 septembre 2023, le cours du pétrole est à 93,27 dollars le Brent, 89,42 dollars le Wit contre 95,12 dollars le Brent et le Wit 91,49 dollars les 18 et 19 septembre.)

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et l’OPEP ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole en 2023 – vers 102,2 millions de barils en 2023 contre 99,57 mb/j en 2022.

L’Algérie est très attentive aux fluctuations du cours de l’énergie sur le marché mondial. Pour 2022, ses recettes en devises proviennent à environ 98% des hydrocarbures, dérivés inclus. Selon la loi de finances 2023, le pays a besoin d’un baril de pétrole de 149,2 dollars – 135 dollars pour l’exercice 2020/2021 et 100/109 dollars pour l’exercice 2019/2020- pour atteindre l’équilibre budgétaire.

Je recense neuf déterminants du cours:

  1. Des facteurs géostratégiques souvent imprévisibles – guerre en Irak, épidémie du coronavirus, conflit en Ukraine- ou la mise à l’arrêt de certaines canalisations influent sur la demande. Aucun expert sérieux ne peut donner des prévisions au-delà de deux à trois ans.

Les trois piliers de la croissance de l’économie mondiale sont la Chine, les USA et l’Europe qui représentent plus de 60% du PIB mondial. Selon la Banque mondiale, la croissance mondiale devrait tomber à 2,1 % en 2023. Entre 2023/2024, le durcissement des conditions financières mondiales, notamment avec le relèvement des taux d’intérêt de la FED et de la BCE pour lutter contre l’inflation, et la demande extérieure pèseront sur le niveau du cours du pétrole et du gaz naturel. 

La croissance économique des Etats-Unis pour 2023 est prévue à 1,1% tandis que la croissance chinoise devrait atteindre 5,6%. Dans la zone euro, la croissance devrait tomber de 3,5 % en 2022 à 0,4 % en 2023, en raison de l’effet du durcissement de la politique monétaire et de l’augmentation des prix de l’énergie.

  1. La hausse des prix s’explique également par le fait que l’AIE pour le quatrième semestre 2023 prévoit une pénurie de l’offre, en raison de la faiblesse de l’investissement.

Pour la première fois en 2022, les investissements dans les renouvelables ont dépassé ceux des énergies fossiles.

La production de pétrole des 13 membres de l’OPEP, qui compte l’Arabie Saoudite, a diminué de 836.000 barils sur un mois pour atteindre une moyenne de 27,31 millions de barils par jour.

Par ailleurs, la Russie et l’Arabie saoudite ont annoncé des coupes dans leurs productions et exportations jusqu’à la fin de 2023. La Russie maintient la réduction de ses exportations de 300 000 barils par jour. L’Arabie saoudite réduit sa production à neuf millions de bpj selon son ministère de l’Énergie – soit moins 1 million de barils par jour (bpj).  Les capacités pour chacun de ces deux pays dépassent 11/12 millions de barils par jour.  

  1. Du côté de l’offre, les Etats-Unis ont bouleversé toute la carte énergétique mondiale. Importateur par le passé, les USA sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut devant l’Arabie saoudite et la Russie, la production de pétrole (non conventionnel) est passée de 5 millions de barils/jour de pétrole à plus de 11 millions de barils jour.

Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL) : 30 projets sont en cours de réalisation, pesant ainsi sur le marché mondial du GNL.

  1. En raison du conflit en Ukraine, la décision du G7 et de l’Australie de plafonner, à compter de février 2023, le prix du pétrole par voie maritime à 60 dollars le baril et les dérivés, et la décision de la Commission européenne de plafonner le prix du gaz à 180 dollars le mégawattheure ont bouleversé toute la carte énergétique. 

Avant le conflit en Ukraine, à travers le North Stream (abandonné) et le South Stream, la capacité était de plus de 125 milliards de mètres cubes gazeux pour approvisionner l’Europe, soit plus de 45%.

Depuis, les canalisations fonctionnent en sous capacités, avec l’annulation du North Stream 2.  La demande européenne a fortement baissé en 2022, plus de 46%, ce qui explique d’ailleurs les tensions énergétiques en Europe.

La Russie se tourne vers l’Asie -la Chine et l’Inde- avec de nouvelles canalisations dont le projet canalisation Sibérie-Chine, avec des prix préférentiels. 

  1. Il faut prévoir le retour à terme sur le marché de trois pays producteurs :

La Libye, sous réserve d’une stabilisation politique. Avec des réserves de 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, la Lybie peut facilement produire plus de 2 millions de barils/jour.

L’Irak peut aller vers plus de 7 millions/jour. L’Iran, s’il y a accord sur le nucléaire, a des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, et possède le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35 000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45 000 et avant le Qatar 20 000. 

  1. Les nouvelles découvertes en offshore en Méditerranée orientale (20 000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région, et en Afrique dont le Mozambique (plus de 4000 milliards de mètres cubes gazeux) qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir sur le continent. 

  2. Les politiques de la transition énergétique seront déterminantes pour un nouveau modèle de consommation énergétique mondial. D’ici à 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/Chine/Europe/Inde dont les énergies renouvelables et l’hydrogène vert, devraient dépasser les 4000 milliards de dollars par an. 

Les grandes compagnies commencent à réorienter progressivement leurs investissements dans ces segments rentables à terme, « les industries de la vie » pour reprendre l’expression de Jacques Attali.

L’humanité sera confrontée à l’avenir au danger dévastateur du réchauffement climatique. Si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que l’Europe/USA, il faudrait cinq fois la planète d’où l’urgence d’une transition énergétique maîtrisée. 

  1. L’évolution des cotations du dollar et l’euro, hausse ou baisse du dollar, peuvent entraîner un écart de 10/15%. 

  2. Les stocks américains et les stocks chinois, souvent oubliés.

En conclusion, les impacts du cours élevé des hydrocarbures ont eu un impact positif sur le cadre macro-financier, dont les réserves de change ont clôturé à fin aout 2023 à 85 milliards de dollars, et un endettement extérieur faible moins de 3 milliards de dollars.

En 2022, selon les données de la banque d’Algérie, le cours du pétrole a été de 106 dollars en moyenne et le prix du gaz, environ 33% des recettes de Sonatrach, s’est situé autour de 15/16 dollars, soit une recette de 60 milliards de dollars.

Pour une moyenne annuelle de 80 dollars le baril en 2023 et un prix moyen du gaz avec d’importantes fluctuations, entre 30 et 50 dollars le mégawattheure, un cours moyen de 10/11 dollars le MBTU, la recette de Sonatrach varierait entre 45/50 milliards de dollars fin 2023.

Le principal défi de l’Algérie, pays à fortes potentialités, pouvant devenir un pays pivot au sein des espaces méditerranéens et africains, sous réserve de profondes réformes, est la relance économique. Mais avant tout, l’Algérie de 2030, jalouse de son indépendance politique, sera ce que les Algériens voudront qu’elle soit –

A.M -toute reproduction doit citer l’auteur  

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Professeur des universités, expert international

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