Observatoire des énergies
Sylvain Hercberg
Nous publierons chaque trimestre un observatoire des énergies actualisés à la situation énergétique en France, en Europe et dans le monde.
Pétrole, gaz, et fossiles
Pétrole
Le pétrole reste au cœur des préoccupations économiques et des enjeux géopolitiques. Son prix reste dans la zone des 80-85 $ le baril. La demande reste stable voire ralentit aux Etats-Unis et dans la plupart des pays de l’OCDE ; elle augmente en Asie notamment en Chine et en Corée du Sud. La production continue d’augmenter (+3,5% en un an d’après l’Agence Internationale de l’Energie).
Cette production est un enjeu majeur et les experts focalisent leur attention sur le partage de cette production entre les membres de l’OPEP+ et les non-membres de cette organisation. Plusieurs raisons à cela : l’OPEP+ est face à un dilemme, faut-il baisser la production pour maintenir les prix sachant que la production de pétrole non conventionnel aux Etats-Unis augmente et peut encore augmenter, et sachant les stocks stratégiques américains au plus haut ainsi que l’arrivée de nouvelles sources comme les gisements off-shore du Guyana ? Les baisses de production annoncées par l’OPEP+ n’ont pas eu de réel effet sur les prix.
Il faut également prendre en compte les perspectives politiques au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Le Labour qui est en position de gagner les élections britanniques a annoncé la fin de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation dans la Mer du Nord ainsi que de nouvelles taxes ; les investisseurs ont intégré cette perspective d’autant plus que certaines compagnies comme BP ont apporté leur soutien à cette orientation. Aux Etats-Unis la production de pétrole non conventionnel augmente, et le Président annonce qu’il est prêt à ouvrir les stocks stratégiques si les prix augmentent, en même temps qu’il entend renforcer les liens avec l’Arabie saoudite pour des raisons géopolitiques évidentes.
Les incertitudes sont donc là sur les prix et les équilibres internationaux : maintien de la demande dans une partie du monde, perspective de ralentissement des investissements en Mer du Nord, poursuite de la montée en puissance de la place des Etats-Unis sur le marché mondial ; à quoi d’ajoutent les interrogations sur la Russie qui pourrait rencontrer des difficultés à maintenir sa production du fait des contraintes sur les technologies, tout en bénéficiant de sa relation avec la Chine et l’Inde.
Gaz
Dans un contexte de légère diminution de la consommation de gaz naturel dans le monde, la guerre entre la Russie et l’Ukraine a entraîné un changement majeur du marché du gaz : compétition entre l’Europe et l’Asie pour l’approvisionnement, opportunité pour les Etats-Unis producteurs de gaz non conventionnel, qui sont devenus l’un des fournisseurs principaux des pays européens : le développement des énergies renouvelables intermittentes nécessite un « back-up » assuré en grande partie par des centrales électriques au gaz, dont l’approvisionnement en gaz naturel nécessite quant à lui la construction d’usine de regazéification du GNL ; dans ce contexte, de nouveaux terminaux sont en construction en Allemagne où de nouvelles centrales à cycle combiné gaz sont en projet pour 2025.
Dans le même temps, plusieurs projets voient le jour dans la relation entre la Russie et la Chine : Gazprom a vu ses revenus fortement diminuer du fait de la baisse drastique des exportations vers les pays européens et espère retrouver l’équilibre financier dans les 10 ans, en particulier par la construction d’un nouveau gazoduc vers la Chine ; la capacité d’exportations qu’il permettra est toutefois inférieure au volume qui était exporté vers l’UE, ce qui allongera sans doute le temps nécessaire au retour à l’équilibre de Gazprom.
Reste à noter le débat qui se poursuit en France sur l’augmentation du prix du gaz pour les consommateurs ; plusieurs raisons sont évoquées : baisse de la production en Norvège due à des problèmes techniques, coût du transport du gaz liquéfié en méthaniers supérieur à ce qu’était ce coût pour l’utilisation des gazoducs entre la Russie et les pays européens, développement du réseau nécessaire à l’intégration du biométhane produit localement, … : faut-il repenser l’organisation du marché du gaz, faut-il trouver de nouvelles sources de financement compatibles avec la transition énergétique ?
Marché du CO2
Le Royaume-Uni envisage de se rapprocher du marché de l’UE pour aboutir à un fonctionnement similaire et à des prix proches : à suivre après les prochaines élections britanniques.
Le nucléaire
Plusieurs annonces sur le développement du nucléaire sont faites dans le monde. En France, la question du financement est maintenant clairement abordée, alors que le coût d’investissement annoncé pour les nouveaux réacteurs EPR2 est en hausse ; plusieurs options sont évoquées, principalement l’intervention directe de l’Etat, l’aide financière à EDF, l’emprunt. Aux Etats-Unis, le Secrétaire à l’Energie envisage la construction de 200 GW de centrales nucléaires d’ici 2050 (le parc actuel est de près de 100 GW et comporte 99 réacteurs dont la plupart ont la possibilité de fonctionner 60 ans soit jusqu’à la prochaine décennie et un peu moins d’une dizaine 80 ans) ; il propose également une coopération étroite avec le Royaume-Uni pour la certification des réacteurs de nouvelle génération ; par ailleurs, URENCO prévoit la création de nouvelles capacités d’enrichissement du combustible pour mettre un terme aux achats à la Russie.
Vers la transition énergétique
L’Agence Internationale de l’Energie a publié un nouveau rapport sur les besoins de financement pour les investissements nécessaires : il s’agit d’orienter les ressources financières de la façon la plus efficace, en particulier pour satisfaire les besoins en électricité. Il convient pour cela de considérer le coût complet de l’électricité pour les consommateurs sachant les évolutions et les ruptures technologiques en cours et possibles et de tenir compte de la situation dans les pays les plus pauvres. A ce jour, il apparaît que le coût du kWh solaire PV est inférieur au coût du kWh fossile quand les conditions d’ensoleillement sont favorables ; mais il faut aussi tenir compte du fait que la production renouvelable intermittente conduit à des investissements importants en réseau électrique afin de garantir la sécurité d’approvisionnement et la résilience du système électrique. Un soutien politique est nécessaire pour prendre les bonnes décisions en tenant compte de la durée nécessaire au retour sur investissement pour des équipements fortement capitalistiques : le coût du capital est en effet une partie importante du coût complet du kWh électrique, ce qui constitue un défi général et particulièrement prégnant pour les pays émergents.
L’Agence signale que la part des investissements pour les fossiles a baissé de 55% en 2015 à 36% en 2024 ; mais les investissements en réseau et en stockage de l’électricité vont continuer à croître de façon importante. Des efforts importants sont nécessaires en Asie du Sud-Est pour maîtriser les émissions de CO2. Et elle insiste sur l’apport du nucléaire pour disposer d’une électricité décarbonée et sûre.
L’Australie envisage maintenant le recours au nucléaire pour développer la production d’électricité décarbonée.
L’Allemagne envisage quant à elle la création d’un fonds pour la transition énergétique afin de financer le développement des renouvelables, du back-up (centrales à gaz), et du réseau électrique. A noter que le productible solaire PV et le productible éolien sont inférieurs en Allemagne à ce qu’ils sont en France. L’Allemagne porte également son attention sur l’hydrogène comme nouveau vecteur énergétique et étudie une stratégie visant à couvrir jusqu’à 70% les futurs besoins d’hydrogène par des importations.
Aux Etats-Unis, le développement des renouvelables est rapide et soutenu par les décisions fédérales ; il en est de même de la production de batteries.
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