Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Transition(s) 2050 vers la neutralité carbone*

Face à l’urgence climatique, il est indispensable d’éclairer les débats pour accélérer les prises de décisions. Dans ce contexte, l’ADEME a dévoilé le 30 novembre 2021 un rapport de prospective inédit : « Transition(s) 2050 ». Choisir maintenant. Agir pour le climat ». Ce travail dessine quatre chemins « types » cohérents et contrastés pour conduire la France vers la neutralité carbone. Ces scénarios ont pour ambition de nourrir les délibérations collectives, en particulier celles sur la prochaine Stratégie française énergie – climat. Il s’agit d’une certaine façon d’éviter les fausses routes et d’accélérer la définition de ce chemin. En la matière, le secteur de la Mobilité et des Transports est particulièrement concerné, de par sa responsabilité élevée dans les rejets Carbone en raison de sa forte dépendance actuelle aux produits pétroliers, et pour sa nécessaire transition écologique pour un recours à des usages sobres, efficaces de vecteurs décarbonés.

C’est pour faciliter le passage à l’action que l’ADEME a réalisé cet exercice de prospective, en mettant pour les mobilités les points clés suivants en lumière :

  • Cinq leviers sont identifiés et mobilisables pour réduire les émissions liées à la mobilité des personnes et des marchandises : la modération de la demande de transport, le report modal, le remplissage des véhicules, l’efficacité énergétique des véhicules et la décarbonation de l’énergie.
  • Il s’avère nécessaire d’agir rapidement et simultanément sur ces différents leviers de décarbonation pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050
  • Il y a un réel intérêt et un fort enjeu à maitriser la demande de transports et de mobilité, même dans les scénarios les plus technologiques
  • En symétrie, on retrouve le besoin incontournable d’introduction de technologies alternatives (électrification, biocarburants, biogaz, hydrogène) dans les scénarios plus sobres en termes de demande
  • Enfin les acteurs (aux différents niveaux du local au national) doivent se concerter pour faciliter, accompagner la diffusion des pratiques vertueuses de mobilités et soutenir l’accélération du déploiement des solutions bas carbone
  • Selon les scénarios, chacun des cinq leviers de décarbonation des transports (demande de transport, report modal, remplissage des véhicules, efficacité énergétique et décarbonation de l’énergie) est plus ou moins fortement sollicité
  • Les premiers leviers qui agissent davantage sur la demande de mobilité et de fret sont fortement sollicités dans S1 et S2, tandis que la demande est moins contrainte à mesure que l’on s’approche de S4, qui repose plus sur un pari technique permettant d’assurer autant voire plus de déplacements avec peu de rejets de GES.
  • Par rapport à 2015, la demande de transport de voyageurs (en kilomètres parcourus) diffère singulièrement selon les scénarios. Elle recule de 26 % (y compris aérien international) dans S1 et augmente de 39 % dans S4, c’est tout à fait voulu pour avoir des scénarios bien contrastés. Pour ce qui est des marchandises, les scénarios recouvrent des évolutions clairement différentes selon les scénarios avec une contractation du fret (en tonnes.km) de 45% pour le scénario S1 à une expansion de 30% pour le S4 traduisant les évolutions des pratiques de notre société selon les différents récits.

Quels sont les leviers de décarbonation du secteur des transports et de la mobilité 

La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) identifie 5 leviers pour réduire les émissions de CO2 des transports, et en particulier de la mobilité des voyageurs :

  • La modération de la demande de transport, soit le nombre de kilomètres parcourus par les voyageurs, qui dépend de l’aménagement du territoire, des choix de localisation des logements et des activités, des modes de transport à disposition, des comportements des usagers, ou encore de la tarification de la mobilité ;
  • Le report modal vers les modes peu carbonés, depuis la voiture et l’aérien vers les transports en commun (routiers et ferroviaires), et les modes actifs (marche et vélo) ;
  • L’optimisation du remplissage des véhicules, avec notamment la contribution importante du covoiturage pour la mobilité des voyageurs ;
  • L’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules, consistant à réduire les consommations d’énergie par les progrès technologiques, l’électrification du parc, la baisse du poids des véhicules ou encore la baisse de vitesse sur les routes;
  • La décarbonation de l’énergie utilisée, en remplaçant le pétrole qui représente actuellement plus de 90 % des consommations d’énergie du secteur, par l’électricité, le biogaz, les biocarburants, l’hydrogène, voire les carburants de synthèse.

 Les 5 leviers de la SNBC pour réduire les émissions des transports

Comment sont sollicités les 5 leviers de décarbonation pour les scénarios ADEME Transition(s) 2050

L’exercice ADEME Transition(s)2050 projette 4 scénarios de neutralité carbone à 2050 avec quatre voies dotées de leurs propres cohérences : S1 – Génération frugale ; S2 – Coopérations territoriales ; S3 – Technologies vertes et S4 – Pari réparateur.

En accord avec les récits généraux des 4 scénarios, les 5 leviers de décarbonation des transports sont sollicités de manière différenciée selon le cheminement emprunté :

  • Les leviers de sobriété sont plus fortement sollicités dans le scénario 1, et de moins en moins forte vers le scénario 4.
  • Les leviers technologiques d’efficacité et de décarbonation (intensité carbone) de l’énergie sont sollicités à leur maximum dans les scénarios 3 et 4.
  • Le scénario 2 apparaît le plus équilibré entre les différents leviers.

Comment évolue la mobilité des voyageurs selon les scénarios ADEME Transition(s) 2050

Scénario S1

Les kilomètres parcourus baissent de 26 % d’ici 2050, par l’évolution des modes de vie qui tendent vers davantage de proximité et de démobilité. Cela favorise en particulier les modes actifs (marche et vélo), tandis que la voiture et l’avion sont en fort retrait en raison des évolutions réglementaires et fiscales visant ces modes. Les voitures s’électrifient, deviennent plus légères, leurs vitesses de circulation baissent, et le covoiturage solidaire et l’autostop se développent dans les zones rurales.

Scénario S2

La demande de mobilité baisse de 10% en km et se tourne vers une plus forte proximité au quotidien et un tourisme plus local et durable. Le report modal est poussé par des investissements importants pour sur la marche, le vélo, et les trains du quotidien et à longue distance. Aussi les véhicules se diversifient pour s’adapter aux usages et réduire leurs externalités, via le développement de véhicules intermédiaires entre le vélo et la voiture (vélos cargos, pliants, vélomobiles, mini-voitures, etc.), le covoiturage et une forte électrification.

Scénario S3

La demande de transport continue à être accompagnée par l’Etat pour les différents modes, menant à une hausse de 23 % portée par les trajets à longue distance. Le report modal est faible et concentré dans les grandes villes et sur les lignes ferroviaires à grande vitesse. Les principaux efforts sont concentrés sur l’accélération de la décarbonation des flottes et de l’énergie, en particulier par l’électrification des véhicules.

Scénario S4

Les kilomètres parcourus augmentent de 39 % sous l’effet d’une hausse des voyages à longue distance, en particulier pour l’aérien, et d’une recherche constante de vitesse dans les déplacements. La voiture individuelle garde une place centrale, malgré l’essor de véhicules autonomes partagés. La voiture et les transports deviennent aussi de plus en plus automatisés et connectés, tandis que les progrès importants sur les batteries facilitent le passage à l’électrique des flottes de véhicules.

Comment évolue le transport de marchandises selon les scénarios ADEME Transition(s) 2050

Scénario S1

La relocalisation de l’économie et la sobriété dans les autres secteurs poussent à une forte baisse des trafics marchandises nationaux (-45 %) et internationaux (-33 %). En parallèle, les longs déplacements en poids-lourds sont contraints pour favoriser le report modal, tandis que le routier reste prépondérant pour l’intermodalité et les plus courtes distances, où d’importants efforts de mutualisation sont entrepris. La décarbonation repose surtout sur la biomasse, insuffisante pour se séparer du pétrole à l’horizon 2050.

Scénario S2

Les trafics de marchandises baissent de 35 % par la réduction des volumes et des distances parcourues. Les parts modales du ferroviaire et du fluvial font plus que doubler grâce aux efforts d’investissements, aux évolutions de la fiscalité, l’aménagement du territoire et des villes, l’organisation logistique et les comportements. L’optimisation des remplissages et de l’efficacité permettent de compléter les réductions de consommation d’énergie, dont l’offre se diversifie et s’adapte aux ressources locales.

Scénario S3

La demande se stabilise d’ici 2050, sans politiques spécifiques sur sa modération. Les investissements pour le report modal se concentrent sur les grands axes ferrés et fluviaux, avec des résultats limités. Des gains d’efficacité des poids-lourds sont obtenus par la massification des transports, l’hybridation et l’électrification. L’Etat pousse une conversion rapide vers un mix énergétique diversifié, avec l’électricité pour les utilitaires et sur les axes d’autoroutes électriques, le gaz, l’hydrogène et les biocarburants.

Scénario S4

La demande augmente de 30 %, portée par la croissance économique, la mondialisation et le commerce en ligne. La logistique est de plus en plus connectée, à flux tendus et valorise la rapidité des livraisons. Cela soutient l’hégémonie des transports maritimes et routiers, tandis que la fragmentation des envois multiplie les livraisons en véhicules utilitaires légers. Les progrès technologiques facilitent l’électrification, le recours au biogaz augmente, mais la décarbonation est limitée par les ressources disponibles.

Quelques chiffres clés de l’exercice Transitions 2050

  • pour la Mobilité des voyageurs :

  • pour les Transports de marchandises :

Illustration de l’évolution de la mobilité et du transport de marchandises par scénario et parts modales pour 2015 et 2050

Résultats en demande d’énergie et vecteurs pour les différents scénarios en 2050

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Directeur Régional Grand Est - ADEME

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