Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

La pandémie COVID racontée à mes petits-enfants

  1. En mars, la génération d’héritiers se confina à la Roche Marie, avec grand nombre de cousins cousines, amis, enfants. Tous furent contaminés par le Covid19. Le virus cogna. Une forte grippe de plusieurs jours, au lit, et anosmie au réveil, mais ils récupérèrent, ils étaient jeunes. Ils n’avaient ni chloroquine ni masque.

Quatre ans plus tôt, Didier Raoult, professeur de virologie à Marseille, directeur de l’Institut Hospitalier Universitaire Méditerranéen, avait sollicité l’avis du CCNE, présidé par le Professeur Didier Sicard, qui se déplaça[1] à Marseille pour l’occasion. Raoult était connu pour être un des meilleurs sinon le meilleur spécialiste de virologie, de réputation mondiale, non usurpée. Ce qui ne l’empêchait pas d’émettre, selon quelques collègues critiques, des propositions un peu fantaisistes, voire irréfléchies, sur le traitement du SIDA notamment. Depuis 2009 et l’épidémie de H1N1, Raoult pressentait que se répandrait sans doute un nouveau virus, inconnu, qui laisserait la communauté scientifique totalement démunie. Il posait donc au CCNE la question de savoir quelles pourraient être les modalités thérapeutiques, en cas de pandémie brutale, meurtrière, irrémédiable, qu’il prévoyait courte par référence aux récentes expériences avec le SRAS de 2002, le H1N1 de 2009 ou Ebola de 2013. Pouvait on innover, et si oui comment, dans quelles limites, sous quelles conditions? Le dialogue tourna vite au sourd et à l’incompréhension, Raoult n’admettait pas le consensus exigé pour les avis du  CCNE qui tournait autour du pot. Ils se séparèrent fâchés. Le consensus c’est Pétain dira Raout, l’interprétant comme un armistice, comme une résignation face au virus ennemi. Comme son père, ses oncles,  résistants, il refusait de baisser les bras. Pour lui, le progrès scientifique ne s’obtient que par l’affrontement continu des thèses opposées, jamais par consensus. Raoult savait que, au laboratoire, dans les tubes de culture en milieu acide, l’hydroxychloroquine, HCQ, altérait l’enveloppe des virus corona et le fragilisait. Les chercheurs suisses avaient testé HCQ contre le virus de la dengue, en vain. Mais ils devaient avoir retenu pour s’y essayer de bonnes raisons scientifiques. Si HCQ ne marchait pas sur un virus pourquoi, au nom d’un rationnel scientifique admis, ne pas l’essayer sur un autre virus. Né en Chine, Covid19 déferla sur la France, sur l’Europe, sur le monde. Issu d’un pangolin et d’une chauve souris, et/ou échappé d’un laboratoire P4 le seul précisément à disposer du virus, et voisin du marché ouvert, on l’ignore encore. Il prit tout le monde de court. On pensait qu’il pourrait comme H1N1 rester en deçà des frontières, ou provoquer juste une grippette.

On interrogea l’Histoire. En 1917-1919 la grippe dite espagnole avait fait des millions de morts. Elle était en fait probablement russe, espagnole seulement parce que dans les pays belligérants la censure militaire interdisait d’en parler. Pendant la grippe espagnole, tout le monde portait des masques, pas seulement des masques à gaz, comme pendant la Grande Peste de 1348. Les théâtres, les quelques cinémas, les restaurants étaient fermés, on se confinait de soi même. En 1954 la grippe asiatique avait fait des dizaines de milliers de morts, personne n’en avait parlé, personne ne s’en souvient. On se rappelle le terrible hiver 54, l’appel de l’abbé Pierre, les nouveau-nés morts de froid. En 1969  1970, le virus de Hong Kong tua en série sans qu’il n’en parût rien. Personne là encore n’a gardé le souvenir de cette épidémie, sinon quelques lignes dans les pages intérieures des gazettes. On toussait, on crachait, on mourait, la vie continuait. Les cadavres s’entassaient dans les arrières salles des réanimations, elles étaient nées ces fameuses réanimations, ou dans les tunnels de métro. Il n’y avait qu’une seule chaîne de télévision, et elle parlait de tout autre chose. Ebola est resté exotique, brutal terriblement meurtrier, mais bref. Le vaccin est arrivé après, trop tard, de même que le Remdesivir que Gilead ressortira pour le Covid19.

Janvier-février 2020, le virus était là, il fallait agir. Cette fois on ne pouvait plus l’ignorer les chaînes d’infos continues ne tarissaient pas. Chaque soir on diffusait, impuissants, la macabre litanie des morts, l’égrainage des contaminés et des lits saturés. A cette époque on applaudissait tous les soirs à vingt heures les soignants qui se dévouaient tant pour nous. Plus tard on oubliera, mais pour l’heure on ne disposait pas d’autre moyen pour se rassurer. On n’avait pas de traitement. Le virus était tout nouveau, sa maladie pleine de mauvaises surprises qui s’accumulaient au fil du temps, les embolies pulmonaires, les atteintes cardiaques, cérébrales… Raoult osa la chloroquine, l’hydroxychloroquine, HCQ, banalement prescrite par les médecins de ville sous le nom de Plaquénil® pour les maladies inflammatoires. Raoult l’avait essayée sur quelques malades du Covid19 à Marseille et à Nice. Il avait constaté une réduction de la réplication virale, plus nette quand était associé l’antibiotique Azithromycine®. Certes les séries étaient courtes, non comparatives, mais justement argumenta Raoult la différence est d’autant plus significative que  le nombre de cas est réduit. Il déclencha une guerre de religion, ceux qui croyaient à l’HCQ, ceux qui n’y croyaient pas. A Marseille on l’adulait, les chauffeurs de taxis, les éboueurs l’accompagnaient d’une symphonie de klaxons, à Paris on le traitait de charlatan. On lui reprochait de ne pas tirer au sort les malades traités pour apporter la preuve scientifique de l’efficacité du médicament. En plus la « HCQ mania » conduirait les usagers à piller les pharmacies par automédication, à dépasser les doses recommandées, à se mettre en danger. L’HCQ fut interdite, DGS, Conseil de l’Ordre réunis. Elle inonda le monde ailleurs, Afrique, Amérique, du Nord, du Sud…Raoult se sentait dans son droit. A part l’HCQ aucun traitement en vue, et seule elle présentait une chance. Un essai randomisé, une série témoin, serait non éthique? Les médecins Allemands avant la guerre avaient testé le vaccin contre la diphtérie, avec une série d’enfants témoins non vaccinés. Leur mortalité fut épouvantable et plus jamais on ne devrait y recourir. D’ailleurs si l’on est convaincu, ne serait-ce que sur des bases  théoriques, se dit Raoult, que l’HCQ est une chance et même la seule, est il bien éthique d’en priver les malades d’une série témoin? N’y aurait-il pas là au contraire ne perte de  chance qu’on lui reprocherait? Lui seul proposait sans restriction des tests PCR de dépistage du virus, personne d’autre en France. Les Marseillais faisaient la queue devant son IHU, l’Institut Hospitalo-Universitaire, pendant des heures pur se faire tester, se rassurer le plus souvent si négatifs. Mais les autres, les positifs, pouvait-on les renvoyer en leur disant vous portez le virus mais vous servirez de témoins ? Raout aurait été lynché. Et puis il prenait grand soin des personnes sous HCQ, électrocardiogramme, hôpital de jour, appels téléphoniques. Il revendiqua de bons résultats. « Les résultats de Didier Raoult n’ont aucune valeur », Karine Lacombe, virologue à Paris, la petite fiancée des Français, avait entièrement raison, Raoult ne prouvait rien. Mais elle-même ne prouvait pas pour autant le contraire, que l’HCQ ne servait à rien. Dans le doute? Aujourd’hui on ne sait toujours pas, ce qui ne plaide pas en faveur du produit. Les Canadiens proposent la colchicine, pas beaucoup plus logique que l’HCQ. Certains médecins français et non des moindres, éminents, respectés, conseillent encore la prescription d’HCQ, du moins d’Azytrhomycine®, ils auraient colligé des arguments convaincants. La bataille enseigne qu’on se méfie toujours des idées originales qui ont le tort de n’être pas dans le moule, on ne laisse aucune chance à l’audace. On se plairait encore à guillotiner Danton.

Tout le monde en effet n’était pas d’accord pour approuver Raoult, notamment les médecins des services de pathologie infectieuse ou de réanimation qui pendant des mois et des mois étaient allés au charbon, les mains dans le goudron, la boule au ventre, pas pour eux mais à cause de leur impuissance à juguler  l’hécatombe. Certains gagnaient leur service en pleurant, le quittaient en pleurant, désespérés. Ils ne supportaient pas la faconde de Raoult, ses prestations de camelot, de bateleur ou de bonimenteur. On les comprend si bien. Eric Caumes, par exemple, le plus impressionnant des praticiens par sa lucidité, son sérieux, l’étendue de ses connaissances, sa conviction, qualifia les thèses de Raoult de baratin, dont il faudrait trop de temps pour démontrer l’inanité. Bien sûr ils ne parlaient pas de la même chose, ils ne  voyaient pas les mêmes malades, pas au même stade de la maladie. Raoult lui, au tout début, avec encore peu de virus. Eric Caumes par contre  à l’hôpital, avec une  maladie qui n’était plus virale mais un raz-de-marée immunitaire, avec pneumopathie assistance respiratoire, des embolies pulmonaires, trop souvent une issue fatale, évidemment que l’HCQ n’y avait aucune place.    

La chasse était ouverte, la meute était lâchée. Les plateaux de télévision étaient envahis par les médecins spécialistes du m’as-tu vu, chemise ouverte sur le poitrail, ou triple tour de chèche autour du cou, lunettes rouges, très chic. Le croassement du marigot étouffait la voix pertinente des experts, on confondait tout. Certains de ces m’as-tu vu passeront d’ailleurs à la postérité non pas avec  leur patronyme, mais comme un substantif, comme un nom commun, comme on dit la poubelle depuis le fameux Préfet de Paris. On avait Gaspard des montagnes, on aura le Jean Sébastien F. des plateaux. Pierre Perret ne s’étonnait pas que l’on meure du Covid19 à l’hôpital, tous les toubibs, chantait-il, étaient à la télé. Derrière chaque français d’ailleurs se cachait un épidémiologiste, un virologue. Les philosophes bien sûr plastronnaient, palabraient, nous gratifiaient de leurs pensées fixées sur leur nombril. On les verra décidés à faire de la résistance contre le virus.  Chemin faisant, Raoult prenait toute la lumière médiatique, pas en reste, on ne voyait, on n’entendait que lui. A Athènes Thémistocle, puis à Rome Cicéron, quand les citoyens acquéraient trop de popularité ou de gloire on les ostracisait, à coups de coquilles d’huitres, on les exilait ou les mettait à mort, par crainte d’une dictature politique. Raoult d’ailleurs ne visait-il pas les élections en PACA ? Déjà quasi Président ? On dépêcha à ses basques des journalistes roquets pour lui mordre les mollets. Ils lui faisaient la leçon du haut de leur immense savoir acquis dans les écoles de journalisme, où apparemment ne s’enseignait pas le français vu leur nombre de fautes de syntaxe, de heu, de hein, de voilà, dont ils ponctuaient leur bégaiement, leurs  hésitations bien compréhensibles quand au sein d’un vocabulaire réduit à une poignée de mots, ils devaient choisir entre « impact », « problématique » et « effectivement ». Le Président lui-même, le vrai, se rendit à Marseille flanqué de Jean François Delfraissy, le patron du Comité scientifique, un collègue et en principe un ami de Raoult. Raoult ne le laissa pas parler, dit-on, lui coupa sans cesse la parole, et même il l’engueula. La communauté scientifique se suicida, décrédibilisée. Michel Onfray pour l’heure, avant d’attraper le Covid19, soutenait son ami Raoult, ils discutaient délicieusement d’épistémologie, et sans doute eschatologie : Que de fois nous mourons de notre peur de mourir, devisaient-ils, après Sénèque. 

L’Académie s’en mêla. L’Académie Française d’abord. Elle féminisa le virus Covid19 dont elle traduisit le D de « disease » par « la » maladie, pourquoi pas « le » mal? En anglais « disease » est un mot neutre, l’Académie aurait eu meilleur temps à le rester. Surtout comment perdre ce temps à gloser sur le sexe des anges quand tant de gens, qui ne sont pas immortels eux, meurent dans les hôpitaux et dans les Ehpads. L’Académie Nationale de Médecine, ANM, prit la suite, elle distilla ses oracles et grava dans le marbre de son Bulletin, tel Moïse au Buisson (Yves) ardent, les Tables de la Loi. Raoult le trublion défiait son autorité. Son crime : oser. Ce qui ne signifiait pas faire n’importe quoi, mais tenter d’avancer malgré l’immobilité canonique. Pas obligatoirement réussir, mais essayer. Assis dans leurs fauteuils et dans leurs certitudes rancies qu’aucune urgence sanitaire ne saurait ébranler, les Académiciens, gardiens du temple, mais étalons…scientifiques, ruèrent dans leurs brancards. Ils rédigèrent un brûlot pour consumer sur les fagots du bûcher de leur vanité l’hérésie marseillaise. Conjointement avec l’Académie des Sciences, ils publièrent un rapport sur les bonnes pratiques et les recommandations éthiques à propos des essais thérapeutiques : hors de la randomisation point de salut. On en était, en mai, à se dé confiner pour la première fois. Or pendant les deux mois de la crise aucun essai randomisé n’avait abouti en France. Désormais il était trop tard. L’essai français Discovery avait sombré au milieu du gué. Une randomisation d’HCQ n’avait donc aucune chance de se conclure. Pourquoi ? La crise sanitaire était elle trop brutale, trop brève pour permettre les randomisations? Préférait-on traiter à tout hasard plutôt que prouver? Les Comités de Protection des Personnes étaient ils débordés ? La question reste entière, et comme au tragique Procès, elle ne sera pas posée. Et pourtant…Dès le début de l’épidémie les réanimateurs français prescrivirent, pour les malades victimes de pneumopathie, de la dexaméthasone. Ils connaissaient ce dérivé de la cortisone pour l’avoir dans le passé utilisé avec succès contre d’autres pneumopathies inflammatoires.  Alors ils l’osèrent, sans aucune randomisation. Et ils firent bien puisque que la mortalité se réduisit de 30%. Les britanniques réalisèrent, eux, l’essai randomisé, remarquable comme chaque fois, il confirma les bons résultats, mais…trop tard pour nous, après la fin de la première vague épidémique en France. Si la dexaméthasone avait été, simultanément, prescrite hors randomisation, elle eut épargné 5000 vies en Grande Bretagne. L’Académie n’en n’a pipé mot. Pensez donc, non randomisé…La déxaméthasone a reçu l’AMM pour traiter le Covid19 grâce à l’essai anglais Recovery, merci Bo Jo, Boris Johnson, ou Theresa May, qui fit ce qui nous plait.

L’Académie de Médecine encore s’est fendue pendant la première vague épidémique d’au moins deux recommandations par jour, un transit accéléré. On a même  cru à un canular, trop bouffon, quand elle a recommandé de ne pas parler dans le métro. Pour détendre l’atmosphère ? Pas du tout, très sérieux. On a ri, mais jaune. Elle a heureusement restauré un peu sa respectabilité en refusant, quand les femmes ne pouvaient à cause de la crise accéder aux centres d’orthogénie, refusant de repousser de quinze jours les limites légales de l’IVG, sous le prétexte, faux, d’un sur risque de complications. Mais de toute façon, pratique diabolique, l’IVG fait trop de peine au petit Jésus.

On aurait aimé à un moment donné un petit communiqué de l’ANM, pas bien long mais gentil, pour féliciter les soignant(e)s, les encourager, les assurer de notre admiration, les remercier de leur engagement. Rien du tout. Le petit personnel, pensez donc…    

L’Académie par contre ne s’est pas gênée pour recommander le port du masque, quoiqu’après tout le monde, sans aucune preuve scientifique. La saga des masques avait mal commencé. En 2009 face au H1N1 si meurtrier en Asie, notre Roselyne avait commandé 1 milliard de masques. Elle avait très bien fait, elle n’avait pas le choix. Ces masques ont pourri dans les hangars. Très vite, Roselyne, puis Marisol Touraine, ont décidé, pour les soignants, d’en confier par dévolution, la gestion, le renouvellement des stocks, aux professionnels de santé, aux directeurs d’établissements. Santé Public France, SPF, gardait la responsabilité de la commande de masques, pour la population, en cas d’urgence sanitaire. En 2018 la dernière usine qui fabriquait des masques, en Bretagne, a fermé, personne n’a protesté, aucun des procureurs ensuite avides de boucs émissaires, aucun des m’as-tu-vu du PAF. La même année la DGS a requis de SPF un rapport sur la gestion d’un médicament antigrippal, le Tamiflu. SPF à qui on ne demandait rien, a cru bon de donner son avis sur la commande de masques, un nouveau milliard lui fallait-il. La DGS a protesté, elle n’avait rien sollicité. Les experts de SPF ont menacé de démissionner. Un chantage, non ? Afin d’éviter l’esclandre, SPF en a commandé 50.000, et c’était bien assez dira plus tard le président du groupe d’experts. Atteints par l’obsolescence les maques de Roselyne partirent à la poubelle, mais tout doucement. Alors vint le Covid19. Quoi faire de ces coques en stock? Les détruire, alors qu’on en manquait cruellement?  Les distribuer, au risque d’être accusé d’empoisonner le peuple avec des masques périmés ? Heureusement leurs élastiques craquaient, le principe de précaution prévalut. Mais chat échaudé craignant l’eau froide, personne n’était chaud pour un remake du naufrage à la Roselyne. La Cour des Comptes chez nous, la Commission de Bruxelles, avaient vertement tancé les irresponsables imprévoyants auteurs d’un tel gaspillage de l’argent public en 2009. On hésita en 2020 à encourir la récidive. Et quand la pression se fit sentir, il était trop tard, les masques s’arrachaient sur le marché, en Chine, par des procédés de pirates. Il fallait payer en dollars, la moitié pour le devis, la moitié à la livraison, les Américains sur payaient. L’OMS ne recommandait d’ailleurs aucunement le port du masque en population générale, pas avant le dé confinement. Il n’existait aucune preuve scientifique de leur efficacité. Tout le monde  les portaient dans les pays d’Asie, la Corée du Sud, où le virus semblait le mieux contrôlé, mais la multiplicité des facteurs confondants ne permettait pas de conclure. Le nombre impressionnant de tests de dépistage et leur corollaire, l’isolement, la traque des cas contacts identifiés par téléphone portable et géo localisation, isolés à leur tour, suffisaient à expliquer les bons résultats. La seule preuve scientifique eut été apportée par une étude cas témoin, la moitié de la population de Hong Kong par exemple avec des masques, l’autre moitié sans masque. Imaginez ! Peut être, mais l’OMS ne recommandait pas les masques  parce que elle était noyautée par les Chinois qui niaient encore la gravité de l’épidémie et leur responsabilité dans sa diffusion. Sauf que les Chinois étaient les seuls à fabriquer et à vendre des masques, et que, commerçants avant tout, il était de leur intérêt de les voir recommandés. Il n’existe donc toujours aucune preuve « scientifique » de l’utilité des masques. Mais aucune preuve non plus du contraire. Alors dans le doute, par précaution, il faut les porter er plutôt deux fois qu’une. Obligatoires ? Sûrement pas, comme plus tard pour les vaccins, l’ANM les recommandait ainsi. On ne donne pas un ordre dont on sait qu’il ne sera pas obéi, et qui incite à la mutinerie. Quoi faire des contrevenants ? Une amende qu’ils ne pourront pas payer, des travaux d’intérêt général, l’assistance à dix séances de communications à l’ANM par exemple? Dans le même temps l’aimable triple Axel dessinait de gracieuses arabesques sur la glace médiatique, un jour il ne portait pas de masque en extérieur, le jour d’après il rouait de son mépris ceux qui n’en portaient pas, tantôt généticien, tantôt éthicien, tantôt cancérologue, mais virologue épidémiologiste depuis quand? Qui résiste à l’attrait du micro tendu, quoiqu’il en écoute ? Molière est mort sur scène, lui devant une caméra, pour l’édification générale.

Alors le confinement ça a été forcément la faute au manque de masque. Pas du tout. Plutôt d’abord la faute au trop plein passé de Roselyne qui a obscurci les prémices des décisions au  seuil de la crise. Et surtout, encore plus avant, la politique tellement visionnaire de la même Roselyne qui a accéléré la fermeture des lits d’hospitalisation. Depuis le début du nouveau siècle, le malade n’était plus « au cœur de notre action », chaque Euro épargné devenait plus précieux que chaque vie sauvée. La loi sinistre Hôpital Santé Populations Territoire, HPST de 2010, avait dépouillé les médecins de toute responsabilité dans la gestion des hôpitaux pour la remettre entièrement dans les mains des administratifs. Alors comme les pétales de la marguerite ils ont effeuillé les postes de soignants. André Grimaldi prêchait dans le désert. La mèche allumée, la dynamite a sauté dix ans plus tard. Quand le Covid19 a sévi, on a manqué de lits de réanimation. Alors on a confiné, bien obligés. Les lits, bon on les trouve chez Ikea. Mais les soignants capables de les faire fonctionner, il faut des années pour les former. Le Ségur de la Santé s’est soldé par les malheurs de Philippe, un an plus tard on n’avait pas un lit de réanimation de plus et pour cause, pas plus d’infirmières et encore moins de spécialisées. Les évacuations par TGV, les avisos armés pour désengorger le CH d’Ajaccio, les barnums militaires plantés devant le CHU de Mulhouse étaient dépassés. Alors tout le monde a protesté, chacun s’est senti  victime et a réclamé des passe-droits, comme si l’épidémie n’avait d’autre but que de faire obstacle à ses projets personnels. Même les prisonniers se plaignirent de ne plus pouvoir embrasser leur famille au parloir. Les artistes sont passés à l’offensive, ils  voulaient rouvrir les théâtres et faire autoriser les festivals avant l’heure. Ils revendiquaient une étude scientifique où les uns seraient sans doute autorisés à rire à gorge déployée et pas le groupe témoin ? Parmi eux, le sémillant directeur d’un théâtre du centre de Paris, s’est déclaré « réanimateur ». Réanimateur de notre moral et de nos âmes mortes. Sans doute a-t-il voulu par cette posture « tartarine » et ce savoureux bon mot, faire sourire avec une indulgence complice dans les dîners en ville, oubliant qu’il n’y avait plus de diner en ville. Insoutenable légèreté de l’être. Et ce Sacha Guitry du Covid, qui voulait continuer à monter sur scène et faire des mots d’esprit comme s’il ne se passait rien ailleurs, nous invitait à venir au théâtre. On aurait dû le convier venir en réanimation, pas comme metteur en scène mais comme spectateur. Il aurait vu. La situation des soignants. Eux non plus on ne les applaudissait plus. Il aurait déchanté devant leur lassitude, leur fatigue, leur épuisement, leur découragement face à ce virus qui ne les lâchait pas, encore et encore, jusqu’au burn-out et au syndrome anxio-dépressif qui creusait le cercle vicieux des défections. Les infirmières arrivaient à l’hôpital le matin en se demandant qui manquera à l’appel, parmi les collègues, cas contact ou contaminées, qui ne viendra pas travailler. Il faudrait les remplacer, refaire les plannings, sacrifier les RTT et les congés, faire garder les enfants…Qui manquera à l’appel parmi les malades de réanimation, trachéotomisés, sous assistance respiratoire, en coma artificiel. Beaucoup ne sortiront pas vivants, ou alors totalement démolis, ce virus est une vraie saloperie, on ne s’en sort souvent qu’au prix d’un Covid19 long. Ils vivront longtemps avec des  douleurs, de la fatigue, de l’essoufflement, des pertes de mémoire, des maux de tête des dépressions, ils étaient déjà plus de 350.000 peut être 500.000 en France. Jamais l’ANM ne daignera  émettre un communiqué de soutien aux soignants, le petit personnel, vous n’y pensez toujours pas.       

Et puis en mai le virus nous a joué un vilain tour il a fait semblant de disparaitre. On a vivement recommandé la prudence pour le dé confinement, sollicitant des  plus vulnérables un petit effort supplémentaire. Les personnels soignants voyaient le bout du tunnel, un soulagement enfin très relatif car sont aussitôt revenus tous les malades non Covid19 ajournés. Révolte des séniors, maltraitance, racisme anti vieux, pas plus contagieux que les jeunes disaient-ils. Les philosophes brandirent la liberté individuelle. Libre à eux de mourir en effet, ils ne manqueraient qu’à eux-mêmes c’est vrai, mais à condition de proclamer par écrit leur refus absolu de se faire hospitaliser. A aucun moment il ne leur venait à l’esprit, esprit trop occupé sans doute par plus noble entéléchie, que malades, ils s’ajouteraient à la charge encore lourde des soignants. Des philosophes on en comptait pas tant que ça heureusement, mais des crédules sensibles à leur message, les plus de 70 ans, des péquins vulnérables atteints de co-morbidité à la merci d’une forme grave, on en recensait en France plus de 10 millions. Une paille. Depuis Platon les philosophes ne gouvernent plus la Cité, ou alors on les biberonne à la cigüe. Bonne idée.    

En juin, des vaccins? Pas possible, pas avant des années, foi d’expert. Six mois plus tard on les avait, on se les arrachait. Prodigieux. Un miracle de l’ingéniosité des humains, à la fois scientifique et industriel. Ils l’ont inventé, ils l’ont produit sur des chaînes de montage inédites, en un temps record. Ils : les britanniques, d’AstraZeneca, avec un virus désactivé. Et surtout : Katlin Karico, Hongroise, et Stéphane Bancel Français. Karico travaillait à l’Université de Pennsylvanie aux USA, personne ne voulait d’elle, son truc à l’ARN c’était débile, pas juteux. Les vaccins depuis Pasteur fonctionnaient sur l’ADN viral, virus désactivé ou adénovirus bénin de substitution. Ils activent la défense immunitaire innée, défense à la fois cellulaire, les lymphocytes d’identification, et les lymphocytes tueurs, et défense sérologique, les lymphocytes-usines à anticorps. L’ADN inné, allumé par le virus vaccin, détache un messager, l’ARN, pour produire la protéine qui, elle, même mettra le contact de la réponse immunitaire innée.  Et voilà que des Turcs Allemands, créateurs de la startup « Biontech » prétendaient court-circuiter le virus vecteur et vacciner directement avec un ARN messager. (ARN messager découvert par François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff, prix Nobel de médecine. Patrice Debré, pasteurien, raconte que réunis dans une pièce du labo de Pasteur avec Watson et Crick, prix Nobel 1954, découvreurs eux de la structure à double hélice de l’ADN, François Jacob dessina un croquis au tableau En haut l’ADN, en bas la protéine. Entre les deux une flèche : il y a forcément un messager, et ce messager est forcément fugace, vite dégradé, sinon la protéine serait pérenne, produite en permanence, ce qui n’est pas le cas. L’ARN messager était né, plus tard les vaccins qui ont sauvé tant de vies). L’ARN messager, petit télégraphiste de la protéine antigénique Spike de l’enveloppe du Covid19, s’introduirait directement dans les cellules fabricant la  protéine immunogène, infiltrerait les microorganismes ouvriers, les ribosomes, qui déverseraient dans la circulation, ces protéines Spike clés de contact, démarreurs, de la réponse immunitaire « innée ». Avantages multiples : on se passait de virus, on produisait l’ARN dans un tube à essai, pour le rendre plus résistant on le pipeautait sans en modifier l’efficacité en remplaçant « uridine » par « uritidine », comme au baseball en changeant de base. Proie de multiples enzymes gloutons et prédateurs on barda l’ARN de gardes du corps, une enveloppe lipidique priée de se dissoudre à l’entrée du ribosome, une gaine de protection sur la tête, sur la queue, une double couche en sandwich qui induisait une réplication spontanée du messager. Incroyables, géniales découvertes scientifiques. Nées vingt ans plus tôt, le génie a permis d’en fabriquer, à vitesse record, de nouvelles formes de vaccins. Les Big pharmas, en science, ne cherchent plus, ou peu. La recherche est dévolue aux startups de biotechnologie. Incapables de se transformer en licornes, elles se vendent au plus offrant. Pfizer a racheté Biontech aux Allemands, recruté Karico, cravaché au galop pour les essais cliniques, et commercialisé le vaccin. Deux doses, couverture vaccinale de 95% ! Attention, nous avons  aussi notre champion, Stéphane Bancel. Pour ses contrats de recherche la France, pleine de flair, offre surtout des visas pour l’étranger. Emmanuelle Charpentier Prix Nobel de chimie en 2019 pour la découverte des « ciseaux génétiques », CRISPER Cas9, a été priée d’aller découvrir en Allemagne.  Stéphane Bancel est marseillais, il a fait ses études à Ginette à Paris, a intégré Centrale. Il a fait toute une première partie de carrière chez Bio Mérieux dont il est devenu directeur général du marketing. Il a obtenu des diplômes en chimie moléculaire et génétique moléculaire. Il a compris toute les promesses de l’ARN messager En 2011 il a émigré à Boston, a misé sa chemise pour monter son entreprise Moderna. Il a produit dès 2011 des médicaments protéines ARN messager contre les maladies orphelines, la myopathie, puis contre des cancers, l’ARN messager induisant une protéine immunogène spécifique contre les antigènes cancéreux, puis un premier vaccin ARN contre le virus Zika qui faisait des ravages au Brésil. En 2020 il rencontrait à la Maison Blanche Donald Trump qui a fait investir des milliards pour la fabrication du vaccin Moderna. Stéphane Bancel n’a gardé que quelques pourcents du capital de sa société, il est aujourd’hui, à 48 ans, milliardaire. Il l’ bien mérité. Pendant ce temps Trump remontait sa bourse. La compagnie américaine Gilead avait produit le Remdesivir contre Ebola, il était arrivé trop tard, l’épidémie était finie, mais le médicament, et son budget,  étaient restés sur les bras de Gilead. Vite fait mal fait, un essai randomisé bâclé a « obligé » la FDA à délivrer l’AMM au médicament, Trump s’en était bourré pendant ce qui a été présenté comme son Covid19. Les actionnaires et les acheteurs se sont précipités, les actions sont montées en flèche. Quelques mois plus tard l’OMS démontrait que le Remdesivir ne servait à rien…La dexaméthsone oui, mais trop bon marché pour passer à la télé…

Alors on a vacciné, AstraZeneca, Moderna, Pfizer, Sputnik V, la guerre a fait rage, la course à l’échalote pour qui atteindra le premier l’immunité collective. On polit les logiciels de modélisation, les algorithmes pour éviter le retour vers le futur. Pourquoi pas, mais même la météo n’y arrive pas pour le lendemain, il suffit de mettre le nez dehors pour tomber plus juste. On croit tout maîtriser, et puis patatras un variant, Anglais, Sud Africain, Brésilien, tout est à refaire, re vacciner. Contre l’Indien appeler les cowboys? Maintenant le Delta plane, qui saura dire où le porte le vent ? « Je prévois donc je me trompe» (Paul Valéry 1931). Au début de l’été on s’enchante, à l’automne on déchante. Les jours alors déclinent. Et pour combien d’années ?

La vaccination deviendrait obligatoire pour les soignants. Pourquoi pas, mais avant tout pourquoi? Trente pour cent d’entre eux ne seraient pas vaccinés contre le SARS Cov2. Mais qui parmi les « soignants » ? Les médecins, les infirmières, les aides soignantes, les agents hospitaliers, les agents administratifs ? Il existe déjà pour eux une obligation vaccinale. Certes, mais la règle du jeu est claire : pour devenir soignant il faut être vacciné, si l’on refuse de se vacciner alors on ne devient pas soignant. Et si l’on est déjà soignant et que l’on vous oblige à vous vacciner, vous restez soignant ? Non vous partez. Manquent alors les personnels indispensables, déjà  difficiles à recruter, les directeurs d’Ehpad tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme. Et d’ailleurs quel vaccin déjà obligatoire ? Tétanos, hépatite B, polio… A-t-on déjà entendu dire qu’un soignant avait inoculé le tétanos à un soigné, ou l’hépatite B qui se transmet surtout par voie sexuelle, ou la polio qui se contracte en buvant de l’eau souillée ? Ces vaccins visent à protéger non pas le soigné mais le soignant contre les accidents du travail, donc  protéger surtout… l’employeur. Comment peut-on contraindre quiconque à un acte médical ? On ne parle pas de traitement le vaccin est une prévention. Mais la Convention d’Helsinki interdit les actes médicaux forcés, hors consentement expresse du sujet. Ici la contrainte s’exerce par un mode de pression qui confine au  chantage : vous vous vaccinez ou vous êtes viré… Discutable. Au début des années 2000 se pratiquaient encore dans un pays d’Europe centrale des stérilisations forcées des femmes tziganes, un relent d’eugénisme criminel. Pas d’amalgame bien sûr, mais  la vaccination forcée, pente glissante…

On ne peut que souhaiter une vaccination généralisée des soignants, en fait de tout le monde. Pointer du doigt les soignants revient à les stigmatiser, à suggérer qu’ils peuvent être responsables de la diffusion du variant delta. Commode. Comme on ne parviendra pas à maîtriser cette nouvelle vague, autant s’en exonérer en choisissant les soignants comme boucs émissaires. Or leur responsabilité dans cette nouvelle vague qui pointe est marginale. On rêve pourtant de leur faire porter le chapeau à l’heure où des stades entiers de foot ou de rugby, en Angleterre, en Ecosse, en Russie, crachent le virus à tout va et contaminent par milliers, à l’heure où tombent les masques et les jauges des restaurants, des cinémas, des festivals, où se font applaudir les artistes, mais plus les soignants, hués pour mauvaise conduite. Bien sûr personne n’accuse les soignants de disséminer le virus, mais on le pense si fort qu’on l’entend quand même. Pourquoi pas donc les vacciner, mais alors pas seulement eux mais tous ceux qui sont au contact du public : les ambulanciers, les pompiers, les aides à la personne, les chauffeurs de taxi…Taxi driver justement, Jodie Foster est palmée à Cannes, profitons en pour lui demander son avis, participer aux Informés, elle parle couramment le français…Et c’est justement la protéine Spike (Lee) qui préside le festival…

 « La pandémie de COVID-19 ne se résume pas à une simple crise sanitaire : elle a mis à l’épreuve la coopération entre citoyens, gouvernement, et scientifiques… La gestion des crises du XXIème siècle repose avant toute chose sur la confiance entre l’ensemble des acteurs de la société… ». Ainsi s’exprimaient, en octobre 2021,  Yann Algan et Daniel Cohen dans le n°66 des Notes du conseil d’analyse économique, sous le titre : Les Français au temps du COVID : Economie et société face au risque sanitaire. Outre que le bien être des individus semble avoir été plus affecté en France que dans certains pays voisins, il apparaît un fait saillant en France comparée aux pays avancés: la perte de confiance très marquée dans la communauté scientifique.

La France a connu à ce jour trois confinements de finalités différentes.

Le premier confinement du printemps 2020 se voulait une sauvegarde de la santé des Français. Il y est parvenu autant qu’il était possible.  Mais les proches n’avaient pas le droit de venir assister leurs morts. 

Le second confinement à l’automne 2020 s’assurait de maintenir aussi l’activité économique, et la reprise a été au rendez vous. Mais les personnels soignants s’effondraient, s’enfuyaient, burn-out, dépressions, certains gagnaient leur service en larmes, ils quittaient leur service en pleurant, d’impuissance, d’épuisement et de rage. 

Le troisième confinement au printemps 2021s’est surtout préoccupé de la santé psychique des Français, et en particulier celle des jeunes, il a maintenu la scolarité pour ne pas rompre le lien social. Le vaccin était là, mais pas encore pour les jeunes. On y obligera bientôt les soignants réfractaires.

Aujourd’hui, hors séquelles du COVID long,  un Français sur trois se plaint d’être affecté par un syndrome anxieux et dépressif  (article réf. supra). Les qualificatifs les plus souvent cités pour leur vision de l’avenir des Français et leur degré de satisfaction, sont : méfiance, morosité et lassitude.  Cet état psychique apparaît beaucoup plus dégradé que dans les pays voisins, Allemagne, Italie, Royaume Uni. Ce phénomène surgit, totalement inédit par référence aux précédentes épidémies virales. Et pour cause. Il n’avait jamais été évalué. Personne ne se souvient de l’épidémie de virus asiatique de 1954, pourtant en proportion tout autant meurtrière que le COVID, encore moins de l’épidémie de virus de Hong Kong de l’hiver 1969-1970, dont personne n’a parlé. On toussait, on mouchait, on mourait, et la vie continuait. On empilait les corps dans les couloirs du métro et dans les arrières salles de réanimation. 

D’ailleurs eût-on effectué ces enquêtes, pas nées à ces époques, qu’en aurait on conclu ? Après la grippe espagnole les séquelles psychiques auraient été attribuées à la boucherie de la Grande Guerre. En 1954, après le discours de l’abbé Pierre, aux rigueurs extrême de l’hiver qui tuait de froid les nouveau-nés.  En 1969 peut être à la mort politique de De Gaulle, ou au début de la fin des trente glorieuses. Ou peut être que quand le sage pointait du doigt le virus, l’idiot regardait la lune où venait de se poser Neil Armtrong.

Surtout de ces épidémies personne ne parlait. En 1917 la censure militaire l’interdisait. En 1954 la télévision vagissait à peine. En 1969 le ministère de l’Intérieur contrôlait la chaîne unique officielle. L’épidémie n’a eu droit qu’à quelques lignes dans les pages intérieures de rares journaux, tous populaires.

Pour le COVID de 2020 la parole au contraire a déferlé, les chaînes d’information continue ont submergé la perception consciente, et les consciences. Ce qui pose la question du rôle, dans la genèse des troubles anxieux et dépressifs, de l’information, de l’information officielle, crucifiée entre l’obligation d’informer et le souci de ne pas paniquer, tout comme le rôle de l’information commerciale.

Au printemps 2020, à l’orée de la première vague, il la été vivement reproché à la direction générale de la santé, la DGS, de déprimer les Français avec la sinistre litanie, l’égrainage des décès et des admissions en réanimation. La chloroquine faisait débat, la vaccination n’existait pas. Néanmoins personne n’était forcé d’écouter.

Au contraire pour les masques, le gouvernement s’est cru, pour rassurer, obligé de biaiser, il n’y en avait pas, force était alors de prétendre qu’ils ne servaient à rien. L’OMS d’ailleurs ne les recommandait pas encore en population générale. Manquaient aussi, et encore aujourd’hui, les preuves scientifiques de leur utilité. Malgré tout le premier confinement a été perçu comme une mesure de nécessaire protection, le moral des Français       a remonté, pour un temps, puis il s’est effondré ensuite, avec son lot de dépressions, à la  perspective du second confinement.

Pendant ce temps les chaînes d’infos continues s’en sont donné à cœur joie. Elles ont pulvérisé la confiance, l’équilibre psychique, des Français. Chacun y est venu exprimer son avis, pertinent ou, le plus souvent, totalement incompétent. La parole des experts s’est noyée dans le croassement du marigot médiatique. Qui croire ? L’austère chef de service de réanimation ou le m’as-tu vu des écrans, le professionnel des plateaux, le chouchou des micros à qui les lunettes de couleur, la chemise déboutonnée ou le triple tour de keffieh conféraient tout soudain des lumières en épidémiologie, en virologie ou en santé publique? 

Alors la confiance des Français en la science s’est effondrée, à un niveau catastrophique, exactement en même temps que leur confiance dans les mesures gouvernementales. Elle a miné leur efficacité, science et gouvernance allant de paire, leurs autorités se conjuguant. La féminisation du virus n’a pas opéré de son charme pour cicatriser les blessures psychiques.

Certes certains scientifiques institutionnels n’ont pas compris combien cette crise était inédite et qu’il y fallait de l’audace. Mais il faut rester sourd et aveugle pour ne as admettre que la science y a réalisé des prodiges. Voyez avec quelle vitesse le gène du virus a été décodé. Avec quelle vitesse se sont adaptés les soins de réanimation : l’oxygénation transmembranaire à haut débit, les traitements anticoagulants, la déxaméthasone, les anticorps monoclonaux…Le taux d’admission en soins intensifs a chuté, la mortalité aussi, de 30%. La mort  frappe surtout les non vaccinés. Car voilà aussi le miracle de la science: la vitesse avec laquelle se sont développés les vaccins, classiques à virus atténué, et surtout à ARN messager, stupéfiante conjonction de compétence et d’intelligence.

L’adhésion de la population à la vaccination est, curieusement ou non, corrélée au taux de pauvreté des collectivités territoriales chargées de l’organiser, mais  aussi au taux d’absentéisme électoral. Ne pas participer à la vie politique et ne pas adhérer à la politique de vaccination sont les deux versants d’une même question que l’obligation du passe sanitaire, devenu vaccinal,  n’a qu’en partie résolue.

La science malgré tout n’est pas omnipotente, elle ne représente pas l’alpha et l’oméga. La preuve : outre que le delta plane, l’omicron nous menace, il nous met la nouvelle vague à l’âme. Pas bon pour le moral.  

Jacques Milliez est médecin, membre de l’Académie nationale de médecine.

 

[1] Didier Sicard avait quitté le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) en 2007, il se déplaça à titre personnel en 2016.AstraZeneca

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