Cette Constitution qui nous protège
C’est, en quelque sorte, sous la forme d’un véritable dictionnaire amoureux de la Constitution que se présente le remarquable ouvrage que nous propose Anne-Charlène Bezzina, Maître de conférences en droit public à l’université de Rouen et enseignante à Sciences Po Paris, dont nous apprécions d’ailleurs les fréquentes interventions dans les médias et sur les plateaux de télévision pour commenter l’actualité politique.
Un dictionnaire dans lequel on peut entrer en se référant à chacun des seize titres et des cent huit articles qui composent notre Loi fondamentale et qui sont, soit des mots-clés facilement identifiables, tels que « président de la République, Gouvernement, Parlement », soit des thèmes moins simples d’accès pour un public non averti, comme « souveraineté, Contrôle de constitutionnalité, Autorité judiciaire, Traités internationaux, Haute Cour » …
D’où une grande utilité pratique pour qui cherche à découvrir et à comprendre aisément telle ou telle disposition de notre Constitution, qu’il s’agisse d’un profane ou d’un citoyen engagé, mais aussi d’un étudiant ou d’un universitaire. Chacun y trouvera les explications, les commentaires et les éclairages indispensables dont il aura besoin.
Un très large public est donc concerné, certain de trouver dans cet ouvrage les réponses aux questions qu’il se pose sur le fonctionnement des institutions de la Vème république : Quels sont les véritables pouvoirs du Président ? Que peut-il décider seul ? Dans quelles conditions est-il possible d’organiser un référendum, de dissoudre l’Assemblée nationale, de mettre en œuvre les pleins pouvoirs de l’article 16 ? Quel est le rôle exact du Premier ministre ? Quels sont les rapports entre le Gouvernement et le Parlement ? Comment est votée la loi ? Comment fonctionne le fameux article 49,3 ? Quelles sont les compétences du Conseil Constitutionnel ? Qu’est-ce que la Question Prioritaire de Constitutionnalité ? Etc., etc.
Chacune de ces interrogations fait l’objet de la part d’Anne-Charlène Bezzina d’une réponse claire et précise, permettant de saisir le sens, la portée et la pratique de toutes les règles constitutionnelles qui encadrent la vie politique et qui sont trop souvent mal commentées par les médias, que ce soit par ignorance ou par idéologie, et donc mal comprises. « Si vous avez pu trouver une réponse à vos questions – écrit-elle en conclusion de son livre en s’adressant à ses lecteurs ─, avoir le sentiment que vous ne lirez plus les journaux de la même façon et que vous avez pu considérer que la Constitution était véritablement un texte qui vous était destiné pour vous protéger, j’aurai complètement rempli mon pari ».
Un pari réussi, et d’autant plus remarquable que jamais depuis ses origines la Vème République n’aura été autant en danger, confrontée depuis la dissolution insensée du 9 juin 2024 et les élections législatives qui ont suivi à la situation inédite d’une Assemblée nationale sans aucune majorité. Notre Constitution, qui a démontré pendant 66 ans à quel point elle était à la fois robuste et souple, qui a résisté à des crises redoutables, qui a permis l’alternance, qui a donné lieu à trois cohabitations et qui a survécu à tous les avatars qui lui ont été imposés, y compris aux effets pervers du quinquennat, est donc peut-être devenue aujourd’hui « un chef d’œuvre en péril », parce que privée du fait majoritaire qui a fait sa force depuis ses origines.
Car, rappelons-le, ce ne sont pas nos institutions qui sont mauvaises, mais ceux qui s’en servent, et qui s’en servent mal. Si l’on parle aujourd’hui d’une VIème République, c’est en grande partie parce que la Constitution de 1958 a été dénaturée. Mais cette dérive n’impose nullement que l’on détruise l’ensemble de notre édifice institutionnel au profit d’un nouveau système politique dont nul ne sait en quoi il consisterait, mais dont on peut craindre qu’il ne mène qu’au pire. De simples réformes permettraient au contraire d’éviter les excès de l’hyper présidentialisme tel qu’il est pratiqué depuis l’instauration du quinquennat, et de rendre possible un meilleur équilibre des pouvoirs grâce un renforcement du parlementarisme et un retour aux sources de la souveraineté populaire grâce au référendum.
Lors de sa fameuse conférence de presse du 31 janvier 1964, le général de Gaulle affirmait : « Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ». On ne peut pas mieux dire, en considérant aujourd’hui que trahir son esprit, maltraiter ses institutions et dévoyer sa pratique ne peut conduire qu’à une crise de régime qui peut lui être fatale.
A propos de : Cette Constitution qui nous protège, d’Anne-Charlène BEZZINA (XO Editions)
Professeur de droit public à l’IPAG de l’Université Panthéon Assas
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Olivier Passelecqhttps://lepontdesidees.fr/author/opasselecqauteur/
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