Habitat, réglementation thermique, électrification

Philippe Vesseron *

En France, utiliser plus d’électricité et moins de fossiles est une priorité pour lutter contre le changement climatique.
Mais qu’en est-il dans l’habitat, individuel et collectif? Comment sortir de la stagnation actuelle de l’électrification ?
La réglementation thermique de l’habitat va donc redevenir un sujet d’actualité !
Un petit pas
D’abord, il y a l’arrêté ministériel du 13 août qui abaisse à 1,9 la valeur du Coefficient d’équivalence en Energie Primaire (CEP) de l’électricité . Les CEP de l’électricité, du gaz, du fuel et du bois jouent un rôle essentiel dans le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) : ils multiplient chacune des énergies consommées avant leur addition dans un seul indicateur. Quelle est l’origine de ce 1,9 ? Il y a cinquante ans , au départ, les CEP du gaz, du fuel, … , ont été fixés à 1, mais on a choisi pour celui de l’électricité un niveau plus élevé, 2,58, parce qu’à ce moment l’électricité venait surtout de centrales thermiques qui ont un rendement de 30%. Choix conservé ensuite quand le nouveau consensus était de mettre fin au double slogan « tout électrique, tout nucléaire » ! Ultérieurement, Bruxelles a repris la main et nous avons remplacé 2,58 par 2,3. Et donc demain par 1,9 : pour la réglementation européenne , chaque pays justifie les CEP qu’il utilise mais peut toutefois prendre 1,9 comme « valeur par défaut ».
Conserver un CEP de l’électricité très supérieur à celui du gaz resté à 1 était possible mais signifie donc maintenir une prime au gaz ! Les groupes d’intérêt, électriciens, gaziers, rénovateurs, ONG,…, se sont exprimés avant et après ce choix ; j’avais pour ma part recommandé de retenir une même valeur de 1,3 pour l’électricité et pour le gaz compte tenu du fait que le gaz naturel est en amont transporté, liquéfié, regazéifié, stocké,… : ces étapes impliquent des pertes et des dépenses et le CEP de 1 est peu rationnel.
Prendre 1,9 pour l’électricité est donc un progrès mais n’est qu’une étape avant d’autres, sauf bien sûr si la référence au concept d’énergie primaire disparaissait à Bruxelles.
Un autre changement, purement français celui-là, a récemment bouleversé la dialectique : dorénavant, on interdit la mise en location d’une habitation étiquetée « G » par son DPE. Il en reste beaucoup malgré le remplacement de 2,3 par 1,9 : que dira-t-on au propriétaire d’un appartement correctement isolé puisque son étiquette serait « E » s’il était chauffé au gaz mais qui reste « G » parce qu’il est chauffé à l’électricité ? Lui dira-t-on que ce bien ne doit plus être mis en location ? Qu’il faut y faire des rénovations supplémentaires pour diviser sa consommation d’électricité par 1,9 ? Remplacer l’électricité par le gaz ? Pour éviter l’absurdistan, il me semble qu’il faudrait supprimer l’interdiction de mettre en location pour tous les modes de chauffage, propriétaires et locataires étant en mesure de prendre raisonnablement leurs décisions sur la base du DPE, des prix des différentes énergies et des subventions à la rénovation. Qu’elle vienne de Paris ou de Bruxelles, la surrèglementation n’est pas sans risques !
Chauffer l’hiver, rafraichir l’été
L’ostracisation de l’électricité héritée du siècle précédent aura eu une conséquence collatérale : l’ostracisation de la climatisation. La climatisation a été perçue en France comme un luxe à éviter, grand consommateur d’électricité. Mais il y a un vrai besoin : l’été 2025 aura montré que les canicules se produisent dorénavant tous les 4 ans , même si on a évité la gravité de celle de 2003 qui avait provoqué 15000 morts … Il y a quelques archaïsmes réglementaires à régler mais, surtout, il serait urgent de lancer une diffusion large d’informations loyales et équilibrées sur les réponses disponibles à coûts raisonnables pour chauffer en hiver et climatiser en été : puits canadien, plancher chauffant et rafraichissant, pompe à chaleur sur géothermie superficielle, geocooling, …
Bref, l’inquiétude provoquée par la stagnation de la consommation d’électricité en France trouvera des réponses notamment dans le secteur de l’habitation individuelle ou collective, sans contradiction avec les autres objectifs que nous devons continuer à poursuivre – mais certaines actions sont urgentes !
*Ingénieur général des mines (er)
Ingénieur général des mines et ancien délégué aux risques majeurs
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