Pour des relations apaisées entre l’Algérie et la France


Les relations algéro-françaises connaissent actuellement une forte turbulence jamais inégalé depuis l’indépendance politique. Je souhaite, avec de nombreuses personnalités de toutes tendances, l’atténuation de ces tensions pour que la raison l’emporte sur les passions, particulièrement dans ce contexte de fortes tensions régionales
En 2023, concernant les partenariats commerciaux, la structure des échanges reste relativement stable par rapport à 2022, la Chine demeurant le principal fournisseur de l’Algérie, avec une part de marché de 22,9 %, suivie de la France (11,7 %) et de l’Italie (7,4 %) et en termes d’exportations, l’Italie, la France et l’Espagne demeurent les principaux clients avec respectivement 15,2 milliards d’euro, 7,6 milliards d’euros et 6,7 milliards d’euros. Après trois années consécutives de croissance, les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont reculé de 4,3 % en 2024, atteignant 11,1 milliards d’euros. Toutefois, l’Algérie conserve sa position de deuxième débouché des exportations françaises en Afrique, derrière le Maroc (7,4 milliards d’euros) et devant la Tunisie (3,4 milliards d’euros). Une note du trésor français reconnait que pour 2024, la hausse des exportations françaises vers l’Algérie, combinée à la baisse des importations françaises en provenance d’Algérie, a mécaniquement entraîné une amélioration du solde commercial français qui s’est résorbé de 1,1 milliard d’euros pour s’établir à -1,5 milliard d’euros en 2024. Cela est à replacer dans le cadre des échanges avec l’Europe, avec la révision de l’accord d’association avec l’Union européenne où la France est un acteur majeur qui selon le ministère des Affaires étrangères algérien (source APS janvier 2025), le premier partenaire commercial de l’Algérie, représentant plus de la moitié du commerce extérieur algérien (environ 50,6 % en 2023) bien que les exportations aient diminué, passant de 22,3 milliards d’euros en 2015 à 14,9 milliards d’euros en 2023. Cependant le volume des échanges enregistré a connu une augmentation de plus de 20 % en 2023 par rapport à 2022, et de 15% au premier trimestre 2024 par rapport à la même période de l’année 2023. Les entreprises françaises sont présentes dans des secteurs stratégiques tels que les transports, l’automobile, l’agroalimentaire, la banque/assurance et la pharmacie. En plus des relations économiques, il convient de mentionner les relations sécuritaires ainsi que la forte présence de la diaspora algérienne en France, ce qui rend les relations plus sensibles et complexes. La dimension humaine, souvent marquée par des mariages mixtes, joue un rôle crucial. Dans sa grande majorité, cette diaspora vit de son travail, contribue à la richesse de la France et respecte les lois du pays d’accueil. Elle ne doit pas être prise en otage ni assimilée à ceux qui prônent la haine.
Chaque pays défendant ses intérêts propres, n’existant pas de sentiments dans les relations internationales, chaque pays ayant son propre agenda et il n’appartient à aucun pays de vouloir imposer sa vision sur des dossiers de politique étrangère ou de visas. Pour établir des relations saines, et éviter que l’extrême droite ne se saisisse d’un sujet banal, évoquant le passeport diplomatique (c’est un droit en diplomatie pour les personnes exerçant d’importantes fonctions, mais se chiffrant en milliers ayant fait bénéfice à leur famille) qui doit être une expression limitée, ou, de par le monde, tout pays pour se protéger exige un visa. Car pour les diplomates ayant un ordre de mission, cela ne devrait poser aucun problème pour se rendre dans un pays donné. Si je prends mon cas personnel ayant eu un passeport diplomatique, j’ai toujours pour un voyage pour des raisons personnelles été muni d’un visa et je n’ai pas fait bénéficier aucun membre de ma famille. Ne voulant pas aborder des sujets secondaires et personnels, c’est dans ce cadre que bon nombre de personnalités de bonnes volontés appellent à des relations apaisées entre l’Algérie et la France, par le respect réciproque, en privilégiant le dialogue productif, afin d’éviter toute déstabilisation régionale qui aurait des conséquences dévastatrices sur tout l’espace euro-méditerranéen et africain, dont l’espace sahélien, appelé à connaître un profond bouleversement. Aussi, malgré ces divergences qui prennent une ampleur inégalée depuis l’indépendance politique, et que certains aiguisent pour des agendas politiques, il s’agit, comme je l’ai souligné dans plusieurs conférences internationales, de dépassionner les relations. La stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l’Afrique nous impose d’entreprendre ensemble, l’Algérie et l’Europe étant des partenaires stratégiques via la France qui doit se débarrasser de l’esprit colonial, expliquant qu’elle perd pied en Afrique. Les grands penseurs, depuis Aristote et Platon, ont toujours prôné le dialogue au lieu de la confrontation. N’oublions pas le geste colombien symbolique qui lui a valu respect et considération de l’Émir Abdelkader qui s’est interposé par la force à Damas pour éviter l’extermination de milliers de chrétiens. L’Algérie, de Saint-Augustin à l’Émir Abdelkader, a toujours contribué à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle. Depuis de longues années, je suis convaincu, avec de nombreux intellectuels et personnalités politiques de différentes sensibilités et nationalités, que la tolérance s’impose, loin de la culture de la haine. L’ère des confrontations n’a prévalu que parce que les extrémismes ont dominé dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’Autre, c’est aller vers lui, le comprendre, mieux le connaître, afin de favoriser le dialogue des civilisations. L’histoire millénaire a montré que la symbiose des apports du monde musulman et de l’Occident – Islam, Judaïsme, Christianisme, ainsi que toutes les autres religions comme le Bouddhisme, pour ne citer que ces grandes religions monothéistes – et le respect des non-croyants, ont favorisé le dialogue des cultures et des civilisations. Ces interactions, avec leurs prospérités et leurs déclins, ont démontré qu’aucune civilisation n’est supérieure à une autre et, respecter autrui permet d’éviter les chocs de civilisations, préjudiciables à l’avenir de l’humanité.
En conclusion, le devenir d’un monde multipolaire conditionne largement la réussite de cette grande entreprise de cohabitation entre les peuples, qui interpelle notre conscience commune. Le repli sur soi et accroître les tensions économiques, politiques, sociales et culturelles quel que soit le pays, surtout partageant en commun le même espace et serait préjudiciable à notre prospérité commune.
Professeur des universités, expert international
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Abderrahmane Mebtoulhttps://lepontdesidees.fr/author/amebtoulauteur/
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