Aplanir par le dialogue les tensions entre l’Algérie et l’Europe


Le Président français Emmanuel Macron et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, à Alger, le 27 août 2022. - Sipa Press
Les relations algéro-françaises connaissent actuellement une forte turbulence, chaque pays défendant ses intérêts propres, n’existant pas de sentiments dans les relations internationales, autant la France que l’Algérie devant combattre la violence et l’extrémisme sous toutes ses formes, qui a d’ailleurs pris des formes modernes à travers les cyber-attaques, ce qui a poussé en urgence à définir un cadre juridique de protection au niveau mondial. Je souhaite avec de nombreuses personnalités de toutes tendances, l’atténuation de ces tensions et que la raison l’emporte sur les passions en ces moments de fortes tensions régionales.
Selon les données du trésor français, en 2022, la France était le 3ème client de l’Algérie (10,5 % du total), derrière l’Italie (32,3 %) et l’Espagne (12 %) et la Chine était le 1er fournisseur avec une part de marché de 18,6%, suivie par la France (14 %) et l’Italie (7,7 %). L’Algérie est le 21ème partenaire commercial de la France, le 25ème client et son 20ème fournisseur. En 2023, les exportations algériennes vers la France ont progressé de 15,3 % pour atteindre 6,18 milliards de dollars (soit 13 % des exportations algériennes d’hydrocarbures), dont 51,8 % de gaz sous toutes ses formes et 48,2 % de pétrole brut. Par ailleurs, les entreprises françaises sont présentes dans les secteurs des transports, de l’automobile, de l’agroalimentaire, de la banque/assurance, et de la pharmacie. En plus des relations économiques, sans parler des relations sécuritaires, la diaspora algérienne est fortement implantée en France, rendant les relations plus sensibles et plus complexes s’agissant de facteurs humains, souvent avec des mariages mixtes. Dans son immense majorité, elle vit de son travail, contribue à la richesse de la France et respecte les lois du pays d’accueil, ne devant pas être prise en otage et assimilée à ceux qui prônent la haine. Selon Patrick Simon chercheur à l’INED, en 2020, je le cite : « les immigrés algériens si on prend en compte leurs enfants nés en France avec un des deux parents immigrés algériens, cela fait au total 2 millions et même en ajoutant leurs petits-enfants, on est en dessous des trois millions quoiqu’il arrive » et même réactualisé pour entre 2000/2024, le nombre ne dépasserait pas 4 à 4,5 millions, étant très loin des 7 millions évoqués récemment par certains médias courant janvier 2025 qui ont repris malheureusement certaines déclarations de médias officiels algériens en date du 24 juillet 2020 qui n’ont pas pris la précaution de vérifier leurs données.
Par ailleurs, selon un communiqué de la présidence algérienne du 13 janvier 2025, une réunion a été consacrée au suivi de l’état d’avancement des préparatifs en prévision de la révision de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE) (source APS) qui est le premier partenaire commercial de l’Algérie. L’UE représente plus de la moitié du commerce extérieur algérien (environ 50,6 % en 2023). Les exportations ayant certes diminué, de 22,3 milliards d’euros en 2015 à 14,9 milliards d’euros en 2023, le volume des échanges a cependant enregistré une augmentation de plus de 20% en 2023 par rapport à 2022 et de 15% au premier trimestre 2024 par rapport à la même période de l’année 2023 selon le MAE algérien. Sur le plan énergétique, l’Europe reconnaît outre les exportations de GNL que l ’Algérie en 2023 est devenue le deuxième fournisseur de gaz avec 19% avant la Russie et derrière la Norvège, à travers les canalisations Medgaz via Espagne et Transmed via l’Italie, donc un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie de l’Europe. L’Algérie, du fait du déficit de l’Europe de 14 milliards de mètres cubes gazeux en provenance de la Russie, après la suspension du transit via l’Ukraine, peut combler une partie du déficit. Car en 2023, selon l’Economics and Financial Analysis du 21 février 2024, sur une consommation mondiale de gaz de 4010,2 milliards de mètres cubes gazeux en 2023, la consommation de gaz en Europe (UE + Royaume-Uni, Norvège et Turquie) bien que tombée à son plus bas niveau en dix ans (en dessous de la consommation de 2014 qui était de 472 milliards de mètres cubes), demeure importante (estimée en 2023 à 452 milliards de mètres cube). Sans compter la Turquie, un partenaire économique important qui n’est pas membre, quatre pays, principaux clients de l’Algérie, qui sont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, et la France, joueront un rôle clef dans les futures négociations de la révision de certaines dispositions de l’Accord, qui se tiendront prochainement à Bruxelles, en espérant que les tensions actuelles entre la France et l’Algérie ne seront pas un obstacle.
Selon la majorité des experts en géostratégie, des relations apaisées s’imposent entre tous les pays de la région, par le respect réciproque, en privilégiant le dialogue productif, afin d’éviter toute déstabilisation régionale qui aurait des conséquences dévastatrices sur tout l’espace euro- méditerranéen et africain, dont l’espace sahélien, appelé à connaître un profond bouleversement. Les grands penseurs depuis Aristote et Platon ont toujours prôné le dialogue au lieu de la confrontation et n’oublions pas le geste colombien symbolique, qui lui a valu respect et considération, de l’Émir Abdelkader qui s’est interposé par la force à Damas pour éviter l’extermination de milliers de chrétiens l’Algérie de Saint-Augustin, ayant toujours contribué à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle. L’Algérie ne demande pas l’aumône mais la considération et le respect de sa souveraineté, et éviter le chantage comme la dispense de visas pour une infime minorité qui ont le passeport diplomatique étendu à toute leur famille, ces derniers d’ailleurs ne devant avoir la dispense que pour ceux qui exercent une haute fonction présidentielle, sécuritaire ou ministérielle et non leurs familles. Depuis de longues années, je suis convaincu, avec de nombreux intellectuels et personnalités politiques de différentes sensibilités et nationalités, que s’impose la tolérance loin de la culture de la haine. L’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’Autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître et ce afin de favoriser le dialogue de civilisations. L’histoire millénaire a montré que la symbiose des apports du monde musulman et de l’Occident – Islam, Judaïsme et Christianisme et toutes les autres religions comme le Bouddhisme, pour ne citer que ces grandes religions monothéistes et devant respecter ceux qui ne croient pas, ont favorisé le dialogue des cultures et des civilisations avec des prospérités et des déclins, montrant qu’aucune civilisation n‘est supérieure à une autre. L’on doit respecter toute croyance de chacun ce qui permettra d’éviter ces chocs de civilisations préjudiciables à l’avenir de l’humanité. Le devenir d’un monde multipolaire, conditionne largement la réussite de cette grande entreprise de cohabitation entre les peuples, qui interpelle notre conscience commune. Le repli sur soi est préjudiciable à notre prospérité commune et engendrerait d’inéluctables tensions économiques, politiques, sociales et culturelles.
En conclusion, d’une manière générale, malgré ces divergences conjoncturelles, il s’agit comme je l’ai souligné il y a quelques années lors d’une conférence, à l’invitation du parlement européen à Bruxelles, de dépassionner les relations car la stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l’Afrique, nous impose d’entreprendre ensemble, l’Algérie et l’Europe étant des partenaires stratégiques.
Professeur des universités, expert international
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Abderrahmane Mebtoulhttps://lepontdesidees.fr/author/amebtoulauteur/
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