Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Prolonger à 80 ans tous les réacteurs nucléaires existants

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Depuis un quart de siècle, nous avons en France traité la question de la durée de fonctionnement de ces équipements de manière souvent indirecte, tantôt par les règles d’amortissement et l’utilisation de la « rente » assurée par les unités amorties, tantôt par l’intérêt de diversifier nos moyens de production, tantôt par la nécessité de répondre aux demandes de l’Union Européenne de mettre fin aux monopoles historiques… Tout ceci se déroulait dans un monde où on n’anticipait ni la crise des subprimes, ni les hydrocarbures non conventionnels aux USA, ni la réaction allemande à Fukushima, ni la désindustrialisation ,  ni la guerre en Ukraine, …

      Et nous avons mal anticipé à la fois les conséquences du fonctionnement de notre pays avec Bruxelles, Strasbourg et Berlin , à la fois ce qui allait résulter de l’utilisation de représentations successives d’apparence rationnelle, du « burden sharing » de Kyoto, au « 3X20 en 2020 », aux calculs en « énergie primaire » , aux « 40 ans ,  50% », à la fois les conséquences de la désindustrialisation… L’effondrement des prix en Europe avait donné à penser que l’avenir serait une réduction de la production d’électricité malgré  des mécanismes de soutien très forts (en particulier outre-Rhin) au photovoltaïque et à l’éolien… Ce que je publiais pour ma part il y a 5 ans alertait sur certaines des incertitudes sans pour autant anticiper le changement majeur de perspective qui allait être nécessaire: aujourd’hui, chacun pense que  la production d’électricité en France va devoir non pas se réduire mais croître fortement à partir de 2023.

      En 2023 donc, le Parlement prend l’initiative de supprimer  l’obligation de « réduction du nucléaire à  50% », le gouvernement affirme des objectifs pour le « nouveau nucléaire » (EPR2, SMR), on veut une électrification rapide ( industrie, mobilités, résidentiel/tertiaire, digitalisation,…). Pour l’électronucléaire existant, il me semble que les discours restent jusqu’à présent très peu volontaristes (« la prolongation n’est pas un tabou », « pas encore de dossier justifiant 60 ans ou au-delà », « un sujet à voir en  2026 »…). Les délais nécessaires pour tout projet nouveau (nucléaire, éolien, …),  la très forte rentabilité du maintien en fonctionnement des réacteurs existants (cf. LCOE – LTO publiés par l’AIE), les besoins en France et les exportations à reconquérir, les équipes mobilisables (EDF, FRAMATOME, CEA…),… : autant de raisons qui me paraissent imposer de dire clairement « Il est urgent qu’EDF présente ses propositions pour le fonctionnement à 80 ans  de tous les réacteurs existants , que l’implication du public et des collectivités soit lancée sans retard, que l’ASN et l’IRSN mobilisent ou reconstituent les compétences nécessaires pour analyser les dossiers  d’EDF,… ».
      La rupture avec les concepts des périodes précédentes est forte et ne sera pas sans obstacles : il est important à tous égards que chacun s’exprime aussi clairement que possible et que l’on veille à consolider la confiance reconstruite après Tchernobyl et Fukushima.

                                                                                                                                             

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-177676-energie-attention-aux-conclusions-du-conseil-europeen-du-18-decembre-2017-2142123.php

 

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Ingénieur général des mines et ancien délégué aux risques majeurs

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