Gaz européen, gaz en Europe
En France et dans la plupart des pays européens, il faut faire vite beaucoup de pédagogie pour expliquer toutes les dimensions impliquées derrière le slogan trop simple “sortir de la dépendance au gaz russe”!
Depuis des années, nous avons lu beaucoup d’articles sur les projets de gazoducs, au sud du continent européen, au travers de l’Ukraine, sous la Baltique, entre la Pologne et la Scandinavie, entre la France et l’Espagne, … Les débats ont jusqu’à présent largement porté sur les impacts environnementaux de chaque construction – sans négliger les anticipations sur les évolutions du prix du gaz. Certes le gazoduc Nord Stream 2 n’a pas (pas encore !) été mis en service mais la guerre en Ukraine ne doit pas faire oublier qu’aujourd’hui une bonne part de l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest transite par ce pays. La saga des terminaux méthaniers serait aussi intéressante à relire !
En ce qui concerne la production du gaz naturel, le sujet a été bouleversé il y a une vingtaine d’années par le développement de la technique de la “fracturation hydraulique”. Polémiques aux USA (on se rappelle notamment le film « Gasland »); ensuite, en France, gestion chaotique avec « un nouveau Larzac », télescopage avec des calendriers électoraux, … : résultat, une loi de “moratoire français” en 2011, une suite de décisions européennes bannissant la fracturation hydraulique dans l’UE, puis des décisions interdisant toute recherche d’hydrocarbures dans l’espace français … Pendant ce temps, la fracturation hydraulique se développe en Amérique du Nord, le débat sur l’incidence environnementale directe étant à peu près réglé. Alors, quand, aujourd’hui, pour sortir de la dépendance au gaz russe, on répète en Europe “GNL” sans dire que ce sera essentiellement du “gaz de schiste” d’Amérique du Nord, on s’expose à donner l’impression de vouloir occulter des débats en réalité mal cicatrisés!…
Et, il y a peu, l’Union Européenne s’est engagée de manière cafouilleuse dans le chantier de la “taxonomie”: quels investissements peuvent être qualifiés comme “durablement verts”? quid du gaz ? quid du nucléaire ? Était-ce sage de créer un mécanisme donnant à la Commission Européenne la responsabilité de répondre par des “actes délégués” applicables dans toute l’Union sans intervention nationale? Les tensions que ce transfert de responsabilité allait provoquer n’étaient-elles pas largement prévisibles, indépendamment même des conséquences du conflit actuel ?
Tout ceci risque de coûter cher politiquement et économiquement à la France, le seul bénéfice étant sans doute pour l’Allemagne…
Il est donc urgent de se donner le moyen de sortir de lectures successives trop unidimensionnelles. Chez nous, ne faudrait-il pas en particulier avoir une synthèse française fiable sur la fracturation hydraulique aux USA? relire ce qu’écrivait Louis Gallois en 2012 dans son rapport sur la compétitivité française? remettre au travail l’OPECST , juste après les prochaines législatives? Et en tout cas, il faut veiller à éviter que le citoyen français ne vienne dans les prochains mois considérer que des options importantes pour lui ont été prises “à l’insu de son plein gré” !
Ingénieur général des mines et ancien délégué aux risques majeurs
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Philippe Vesseronhttps://lepontdesidees.fr/author/pvesseronauteur/
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