Catastrophes naturelles… et responsabilités
Émile H. Malet
Un été de chien. Sale temps pour la planète. Perturbations climatiques extrêmes. Sécheresses maximales et inondations dévastatrices. Canicules terrestre et maritime. Tempêtes et ouragans. Biodiversité frappée et mutilée. Morts et blessés humains, animaux aussi… Rien ne nous fut épargné au cours de cette période estivale 2022. Et ce nuage catastrophique fut quasiment ubiquitaire, de France à l’ensemble du bassin méditerranéen, en Asie et en Afrique, au Moyen Orient et autour des contrées du Pacifique.
On a incriminé à juste titre le réchauffement climatique, mais pas que, du fait de la violence et de l’accumulation de ces phénomènes extrêmes, de leur périodicité aussi. Seulement 2 à 3 degrés Celsius de plus, ce qui constitue le baromètre météo estival, quand la nature fait des siennes et c’est la catastrophe assurée. A contrario, l’absence d’élévation de la température n’aurait pas été un barrage aux intempéries climatiques mais en aurait à coup sûr freiné le cours catastrophique et les conséquences à la fois naturelles et humaines. Quand le verre est plein à rabord, la goutte supplémentaire provoque le débordement.
On a incriminé à juste titre la responsabilité humaine, moins pour en criminaliser individuellement les comportements (en fait peu nombreux), que par des dégâts causés par la main de l’homme au service d’une économie consumériste, imprévoyante des risques, gaspilleuse des ressources et in fine myope écologiquement. Sait-on par exemple que 70% de la surface forestière nationale est privée, soit 30% du territoire de la France, impliquant près de 3 millions et demi de propriétaires forestiers… avec 9/10 des départs de feu d’origine humaine, provoquées de manière infime par des comportements criminels mais suscités par des gestes à risques, une artificialisation des sols avec un bâti anarchique, une absence d’entretien (la forêt n’est pas la jungle) et un manque de respect pour la séparation et l’autonomie des espèces.
On a incriminé à juste titre la responsabilité de l’Etat, plus exactement de la paupérisation des politiques publiques en matière d’équipements, de surveillance, de prévision des risques. En témoigne la dévastation de milliers d’hectares de forêt et les pompiers européens venus à la rescousse de leurs collègues français en difficulté. Au regard du réchauffement climatique et quand bien même le moment catastrophique 2022 ne serait pas la norme, la planète est désormais soumise à plus de turbulences naturelles et de phénomènes extrêmes. Quoique la science du climat est complexe, les États et les organisations internationales ne peuvent plus se réfugier dans des politiques attentistes et frileuses en cherchant simplement à contenir le réchauffement climatique. Devant la simultanéité et la concordance de phénomènes apparemment contradictoires : sécheresses et inondations, canicules et tempêtes s’accompagnent de rafales de vent, pluies diluviennes et manque d’eau, hyperconsommation et famines, le climat, l’environnement et l’écologie constituent globalement une urgence politique et même une priorité stratégique – de par la dimension conflictuelle engendrée par ces catastrophes naturelles impactant l’ensemble de la planète et provoquant migrations de masse et désertification accrue.
La question de l’eau est centrale tant au niveau de la sécheresse, par sa raréfaction, qu’au niveau des inondations avec des pluies torrentielles et tous les dégâts occasionnés (éboulements de terrains, destruction d’infrastructures et d’habitations, morts par noyade). Par ailleurs, l’accès à l’eau, notamment à l’eau douce (3% de l’eau disponible) est source de nombreux conflits. Outre que 90% des catastrophes naturelles sont liées à l’eau, le stress hydrique est cause de fortes tensions entre de nombreux pays ayant un fleuve en partage : Egypte,-Ethiopie, Turquie-Irak, Sénégal-Mali, Ukraine-Russie, Inde-Pakistan, Chine-Laos-Vietnam, etc. La régulation et la gestion des ressources, particulièrement de la ressource hydrique, devraient être en haut de l’agenda international pour la protection de l’environnement. Écologie et politique ne sauraient être dissociées dans les relations internationales et à l’intérieur des nations, en vue de lutter contre le réchauffement climatique et les catastrophes naturelles afférentes et pour désamorcer les conflits à venir. Lueur optimiste à l’horizon : c’est parmi les jeunes générations que la prise de conscience est la plus pertinente et bien souvent l’engagement le plus sincère.
Ce texte est publié en éditorial de la revue Passages n° 213, octobre 2022.
Journaliste, directeur de la Revue Passages et de l’Association ADAPes, animateur de l’émission « Ces idées qui gouvernent le monde » sur LCP, président de Le Pont des Idées
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