Quelques réflexions sur le projet de loi concernant la fin de vie
Didier Sicard
Une fin de vie digne n’est malheureusement pas celle qui s’entend et que l’on pourrait souhaiter en France. Pour plusieurs raisons.
L’indifférence de la médecine qui est mal formée à cette situation (vécue comme un échec sans enseignement ni professeur), pas un seul professeur d’Université, simplement des professeurs associés, ni apprentissage des étudiants dans les services de soins palliatifs. La plupart les étudiants découvrirons les situations de fin de vie après leurs études et auront tendance à fuir ces situations.
La vie culturelle des soins palliatifs vécue comme le passage vers la mort et non l’apaisement, le maintien des soins et éventuellement une période transitoire avec la reprise d’un éventuel traitement.
L’absence de ses services dans plusieurs départements et leur place réduite, leur fonction méprisée ou réduite à maintenir la vie à tout prix jusqu’à la mort. Alors que ce sont généralement des services d’une extrême qualité.
Face à ces carences, la proposition d’euthanasie apparaît comme une solution « digne. » Alors qu’elle ne concernera que un à deux pour cent des personnes, laissant les 98 % dans des situations indignes. Cette polarité sur l’euthanasie, avec fascination pour la Belgique qui fait un entrisme majeur auprès des parlementaires français et de l’ADMD, au contraire de la Hollande beaucoup plus discrète (la législation belge est pourtant apparue après celle de la Hollande), toute réflexion de fond se réduisant à quelques phrases aussi sentencieuses que vaines pour les soins palliatifs.
L’euthanasie belge est pourtant une façon radicale de mettre fin à la vie après une injection de barbiturique qui endort, suivie d’une injection de curare qui arrête le cœur. De la même façon que l’on met fin à la vie d’un animal ou d’un condamné à mort aux États-Unis !
L’assistance au suicide est infiniment plus humaine et ne donne pas à la médecine une responsabilité excessive d’exécution !
Pourquoi cette demande sociétale d’euthanasie ?
La loi dite Claeys Leonetti est une bonne loi qui souffre pourtant de trois insuffisances : méconnaissance médicale et citoyenne, ignorance universitaire, inadaptation à certaines situations.
En effet, il est parfaitement légitime de comprendre le désir de mort de certaines personnes qui ne sont pas en fin de vie, par exemple les maladies neuro dégénératives qui peuvent devenir insupportables, les maladies cardiaques et respiratoires qui n’offrent à la vie qu’une solution grabataire, les accidents vasculaires cérébraux, des personnes très âgées qui ne veulent plus vivre cette situation etc…
C’est pourquoi la loi Claeys Leonetti devrait s’élargir et accepter que des situations particulières soient accessibles à une sédation terminale sous couvert d’une réglementation plus humaine, éventuellement à un suicide assisté dans des conditions qui ne soient pas confisquées par des associations militantes (s’inspirer de la législation de l’Oregon ?). Le risque est en effet comme on l’observe en Belgique, qui ne veut pas l’avouer, que l’euthanasie légale soit encadrée par des contraintes juridiques telles qu’elles encouragent à la clandestinité. C’est tout le paradoxe d’une loi qui l’autorisant donne le sentiment qu’elle est désormais inscrite dans les possibilités réelles. Pour une population vieillissante comme la France, pour les populations d’adultes porteurs de handicaps psychiques qui ne peuvent s’exprimer, pour les étrangers qui manient mal les subtilités de la langue on peut imaginer les dégâts et l’inhumanité de ces situations.
En conclusion on peut toujours écrire de nouvelles lois mais le faire avec appréhension, en ne négligeant par les conséquences inattendues, en ayant en vue le plus grand nombre plutôt que la satisfaction de certains groupes militants.
Professeur de médecine, ancien Président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE)
-
Didier Sicardhttps://lepontdesidees.fr/author/dsicardauteur/
-
Didier Sicardhttps://lepontdesidees.fr/author/dsicardauteur/
-
Didier Sicardhttps://lepontdesidees.fr/author/dsicardauteur/
-
Didier Sicardhttps://lepontdesidees.fr/author/dsicardauteur/
Responses