Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

De la politique en France : la pagaille !

Les élections européennes se sont soldées par une belle pagaille politique en France. Comme prévu, et mieux que prévu, le Rassemblement national franchit la ligne avec plus du double de voix (32%) de Renaissance (15%), le parti macroniste, lui-même à touche touche avec le parti socialiste – place publique affublé d’un beau score grâce à la campagne empathique de Raphaël Glucksmann. LFI vient derrière, les Verts et Reconquête complètent la liste.

Face à ce séisme politique, Emmanuel Macron, prenant tout le monde par surprise a décidé la dissolution de l’Assemblée Nationale en fixant de nouvelles élections parlementaires le 30 juin et le 7 juillet. Cette précipitation voulue par le Président de la République a mis sans dessus dessous la classe politique, tous partis confondus, qui s’est empressée de se livrer à une course à l’échalotte électorale pour obtenir respectivement (LFI, PS, PC, Verts) un maximum de sièges dans la future Assemblée Nationale. Et pour ce faire, en abandonnant toute dignité et selon des combinaisons joignant l’infâme à la malhonnêteté.

Toute honte bue, le parti socialiste s’est délesté de Place publique et de son leader Raphaël Glucksmann, pour conclure un accord politique avec le parti de Jean-Luc Mélenchon, LFI, nonobstant l’antirépublicanisme et l’antisémitisme de nombreux Insoumis. Pire, la coalition électorale de gauche s’est nommée Front Populaire, en souvenir de Léon Blum et de son gouvernement en 1936, alors qu’elle a embarqué dans ses voiles des antirépublicains antisémites notoires. Comprends qui voudra et qui pourra digérer cette potion indigeste.

A droite, Marion Maréchal n’a pas réussi à accrocher au wagon lepéniste son parti Reconquête, par ce que son leader Eric Zemmour est persona non grata au Rassemblement national. Mais la bombe politique est venue d’Eric Ciotti, le président du parti Les Républicains (LR) ; qui est allé en solo et sans prévenir quiconque au sein de sa formation politique, déclarer sa flamme à Jordan Bardella et Marine Le Pen et leur offrir sa dévotion politique. Tous les cadres du parti s’en sont offusqués pour rejeter l’intrus Ciotti dans les poubelles de l’histoire antigaulliste. Bref, Eric Ciotti a fait plus qu’archipelliser sa famille politique, il a littéralement bordelisé la droite pour un plat de lentille qui pour l’heure n’est pas comestible. Bref, la droite est désormais la proie d’un Rassemblement national qui espère triompher pour installer le 7 juin à Matignon le fringant Jordan Bardella et dans la foulée Marine Le Pen au palais de l’Elysée. Rien n’est encore fait, mais les augures semblent favorables à ce parti qui, s’il a gommé au présent ses aspérités xénophobes, se débat avec son passé sulfureux, sans compter sa démagogie socio-économique et un ultra-septicisme européen.

Reste Renaissance, Macron, Attal, Philippe, Bayrou… et ce Front républicain construit à la hâte et qui espère limiter la casse politique après avoir engrangé une lourde défaite aux élections européennes. Il y a incontestablement une démonétisation de l’exécutif en place qui a travers son leader-Président s’est montré trop bavard et pas convaincant, trop flou et pas tranchant sur des priorités régaliennes, trop dépensier et fortement imprévoyant avec une dette abyssale. Que sortira-t-il des élections du 7 juillet prochain ? Ce qui est prévisible n’est pas rassurant : pas de majorité mais trois blocs politiques parlementaires et une instabilité politique persistante. Une victoire du Rassemblement national avec le risque d’une polarisation extrême du pouvoir politique et toujours l’instabilité. Enfin, une éventuelle réunion de tous les républicains de droite, de gauche et du centre, et le pays en compte encore beaucoup, pour redonner à la France du courage, de l’espoir, de la vaillance et les clés d’une refondation politique. Résistance n’est qu’espérance, disait le poète René Char. Alors, rêvons !

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Journaliste, directeur de la Revue Passages et de l’Association ADAPes, animateur de l’émission « Ces idées qui gouvernent le monde » sur LCP, président de Le Pont des Idées

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