L’image dégradée de la France
Emile H. Malet
« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille », cette expression pleine d’humour de Jacques Chirac d’octobre 2012 pourrait s’appliquer à la France d’aujourd’hui. À la France politique, aux milieux économiques et à la société française, à la France des arts et du patrimoine … tant notre pays subit des secousses telluriques qui viennent altérer son image tant à l’intérieur de l’hexagone (et des territoires ultra-marins) qu’au sein de l’arène internationale.
La politique, d’abord. Nous vivons une fin de règne macroniste à encéphalogramme plat. La Ve République est essoufflée, aucune majorité parlementaire n’est possible depuis la funeste dissolution de juin 2024. Les gouvernements se succèdent au rythme des saisons, avec des gouvernants mendiant des pactes de non-censure comme des condamnés à mort quêtant leur dernière becquetance. Quand au chef de l’exécutif, il cherche à durer pour durer (jusqu’en 2027) et sans aucune marge de manœuvre, sinon en faisant montre de décisions inconséquentes relevant de ce fameux « domaine réservé » (une facilité de cohabitation plus qu’une pratique constitutionnelle comme l’explique Olivier Passelecq).
Cette léthargie politique est d’autant plus dommageable que le pays est fortement endetté, avec une balance commerciale accumulant les déficits et une croissance amorphe.
Les agences de notation n’en finissent plus d’abaisser la note financière de la France, mais rien n’y fait : aucune décision politique en vue de redresser notre économie et nos finances ne saurait passer la rampe de l’Assemblée Nationale pour cause de surenchère politicienne permanente. En attente de intervention de la BCE, du FMI … bref, c’est sauve qui peut et la nave va (et vogue le navire tricolore en contournant les écueils).
Nous sommes les champions en matière de défense des libertés de la justice, des libertés citoyennes. Jamais le service public de l’audiovisuel n’a été aussi contesté, pas sur la qualité (reconnue) des journalistes mais sur un prêt-à-penser qui propulse aux extrêmes tout ce qui s’éloigne d’une pensée politiquement correcte. Comme si une police imaginaire des idées venait séparer le bon grain de l’ivraie au sein du microcosme politico-médiatique.
En matière de justice, et sans remettre en cause l’indépendance de la justice garante de la démocratie, il faut reconnaitre que la décision expéditive et ébouriffante d’enfermer à la prison de la Santé l’ancien président Nicolas Sarkozy pour « association de malfaiteurs » ne peut qu’abimer l’image de la France comme territoire électif des droits de l’homme. Qui peut croire que n’importe quel citoyen averti, et ils sont nombreux dans notre pays, peut gober la farce juridique qui assimilerait Sarkozy à un vulgaire délinquant alors que les preuves d’un financement libyen de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007 ne sont toujours pas établies.
En matière de liberté d’expression, elle est quasiment bafouée sans relâche dans l’espace public avec ces manifestations pro-palestiniennes qui ont instauré un droit d’expression permanent à l’antisémitisme et à l’antisionisme. Et cela, avec la bénédiction d’un parti (LFI) ayant des représentants au parlement. Pire, il peut se tenir dans nos Universités, dernièrement à Paris 8, des réunions d’approbation du fanatisme religieux et du terrorisme, sans que l’autorité publique ne vienne interdire l’apologie du crime.
On peut également recenser le vol des bijoux royaux au Louvre, musée le plus visité du monde. Ce n’est pas tant le vol en lui-même, on comprend que des bijoux inestimables suscitent la convoitise, ce n’est pas non plus les défaillances sécuritaires, qu’il y a urgence à combler et qui suscitent l’indignation, non ce qu’on ne comprend pas, ce qui ne s’explique pas, c’est qu’il est impossible de pointer les responsabilités de quiconque dans ce vol qui a provoqué une stupeur, et même une sidération médiatique partout dans le monde. En somme, il n’y a en France ni Commissaire Maigret (Simenon), ni Père Brown (Chesterton) pour pointer les failles du système et épingler les responsabilités des manquements sécuritaires.
On pourrait poursuivre cet énoncé à la Prévert des « emmerdes » françaises et qui mettent à mal notre image, notre rayonnement et aussi les perspectives d’avenir des jeunes générations. Un ressaisissement est nécessaire pour ne pas laisser ce beau pays, la France, malmené par les chimères d’un microcosme politique à bout de souffle et qui n’a d’autre projet que durer. Il y a toujours une relève politique, économique et socio-culturelle qui peut changer un cours obsolescent en élan de redressement, de création et de puissance d’agir ? Encore faudrait-il pouvoir se séparer des feuilles mortes qui encombrent la vie du pays, et donner leur chance à toutes ces jeunes générations avides de réussite et de vocation à agir.
Journaliste, directeur de la Revue Passages et de l’Association ADAPes, animateur de l’émission « Ces idées qui gouvernent le monde » sur LCP, président de Le Pont des Idées
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