Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

“Déporté j’avais ton âge, une histoire européenne”

Un projet photographique signé Karine Sicard Bouvatier

2025 commémore les 80 ans de la libération des camps, Karine Sicard Bouvatier revient avec un projet photographique cette fois-ci européen présenté au Collège des Bernardins du 24 mai au 1er juin 2025.

Transmettre pour susciter les témoignages de demain

La Shoah est une histoire européenne.

Du 24 mai au 1 juin 2025, seront présentées présenté au Collège des Bernardin les photographies de Karine Sicard Bouvatier. 

Un projet puissant et sensible, qui met en scène des témoins de la Shoah, hommes et femmes, anciens déportés d’Europe, photographiés aux côtés de jeunes européens ayant leur âge au moment de leur déportation. Cette exposition est présentée sous forme de portraits.

Après deux ouvrages “Déportés, leur ultime transmission” et le format jeunesse “Déportés, j’avais ton âge” aux Éditions de La Martinière, Karine Sicard Bouvatier prolonge son travail en lui apportant une dimension européenne, illustrée par une exposition itinérante en France et en Europe ainsi qu’un livre à paraître en 2025 aux Éditions de La Martinière.

Entretien avec Karine Sicard Bouvatier, auteure du projet

Après un projet (livres et expositions) en France, vous décidez de déployer votre travail avec une dimension cette fois-ci européenne, comment en êtes-vous venue à ce prolongement et pourquoi ?

” Trois ans après mon premier projet “Déportés, leur ultime transmission“, j’ai ressenti un sentiment d’inachevé et une nécessité de prolonger mon travail en Europe.  La première exposition ayant été accueillie dans plusieurs villes en Allemagne, il m’a semblé alors essentiel d’aller dans les autres pays européens concernés. Les frontières d’avant-guerre ont changé, les populations ont bougé et il me semblait important d’aborder ce tissu qui reste à la fois complexe et sensible.

Les rescapés ont en commun la souffrance de la déportation, la douleur de la mort d’un frère ou d’une sœur, d’un parent. Ils se sont croisés dans les mêmes camps, ont parcouru des kilomètres ensemble, ont subi le même silence et la même absence d’écoute à leur retour.

Ils gardent aujourd’hui l’âge de leur traumatisme, saisis au cœur de leur jeunesse, la déportation est une histoire européenne.

Les derniers témoins de la déportation disparaissent et l’année 2025 commémore les 80 ans de la libération des camps, l’urgence de la transmission est plus forte que jamais. Cette tragédie du XXe siècle nous alerte aujourd’hui sur le racisme, l’antisémitisme et la violence auxquels nous sommes encore confrontés.

Que racontent vos photographies ? Vous avez choisi, comme dans votre premier ouvrage, de photographier les témoins sous forme de portraits en duo.

Intergénérationnelle, interculturelle, c’était pour moi une façon de symboliser et de fixer en quelque sorte la transmission, de témoigner du passage du relais auprès de jeunes européens mais aussi de rendre compte lorsqu’on est enfant ou adolescent, de ce que cela signifie d’être déporté dans ces lieux de terreur. 

Par ailleurs, en rassemblant des rescapés européens avec des jeunes, j’ai voulu montrer que nous avions une histoire commune malgré nos différences. Alors que notre présent nous interroge, les témoins continuent de transmettre et sont nombreux à partager un message d’espoir et de paix.

L’exposition dévoile une trentaine de portraits de rescapés européens des camps de concentration et d’extermination, aux côtés de portraits de jeunes Européens ayant l’âge de ces rescapés au moment de leur déportation. Asseoir côte à côte deux personnes, un ancien et un jeune, me semblait être à la fois simple et fort. Les séances ont donné lieu à des échanges très émouvants, empreints de beaucoup de pudeur, d’une écoute toute particulière et au terme de celles-ci, l’émergence d’un lien évident entre l’image et le témoignage des déportés.

Cette exposition sera-t-elle itinérante ?

Absolument, elle a été inaugurée à l’Assemblée nationale le 27 janvier, elle est ensuite partie à l’Institut Français de Munich en mars, elle sera en Roumanie à Cluj fin juin, à Arles du 5 au 26 juillet au Temple Protestant puis en Europe (Hongrie, Bruxelles et d’autres villes en cours de discussion)

https://www.karinebouvatier.com

Plus de publications

Après un parcours dans la communication en France et aux Etats-Unis (New York), Karine Sicard Bouvatier est une photographe engagée et répond également à des commandes. En parallèle de son travail sur les déportés, depuis 2019, elle a réalisé des portraits des hommes et des femmes de la tour Eiffel (130 ans de la tour Eiffel, exposition sur le parvis et livre publié chez La Martinière). En juin 2022, elle a effectué un reportage pour l’association « Les Voix de la Paix » en Israël et Territoires Palestiniens. Pour Karine, la photographie a deux missions fondamentales : celle d’un langage humain universel et celle de la mémoire des hommes.

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