La nouvelle question juive ou le pari antisémite

Après la question juive des régimes totalitaires (nazisme et stalinisme), la question juive marxo-sartrienne, nous voilà avec une nouvelle question juive propulsée sur la scène politique par LFI, son mentor Jean-Luc Mélenchon et sa garde rapprochée, déployant le drapeau palestinien comme le nouveau sésame d’un progressisme réactionnaire. La contradiction n’est qu’apparente, en refusant de condamner comme terroriste l’attaque du 7 octobre par le Hamas, et en polluant le discours politique d’un antisémitisme débridé, LFI et Jean-Luc Mélenchon ont effacé des conquêtes citoyennes de la Révolution française : désormais des Français musulmans votent pour l’extrême-gauche sous tropisme antisémite et une partie des Français juifs sont attirés par le Rassemblement national. C’est-à-dire que LFI a archipellisé l’électorat en marginalisant certaines de ses composantes religieuses pour les communautariser. Il s’agit là d’une démarche littéralement réactionnaire et dont le progressisme apparent – soutenir la cause palestinienne – n’est rien d’autre qu’une démarche d’embrigadement et d’exclusion. Ce qui fait dire à Boris Cyrulnik, homme de progrès s’il en est, que « LFI, c’est l’extrême droite ».

Face à ce pari antisémite dangereux et au fait que Raphaël Glucksmann n’a pas sur préserver l’essor social-démocrate des élections européennes, cette nouvelle question juive agit avec un effet boomerang et dévastateur sur l’ensemble du spectre politique en ethnicisant ses fondations républicaines. Pour tenter de sortir de ce piège, une bienpensance intellectuelle issue de la gauche propose un clivage historique douteux entre un antisémitisme structurel – qui serait l’apanage du RN – et un antisémitisme contextuel issu de LFI, établissant ainsi une grille lissenkiste et perverse entre un antisémitisme « ontologique » de droite dangereux et des vétilles antisémites liées à l’islamogauchisme. Malheureusement, depuis les années 2000, l’antisémitisme de l’ultra-gauche islamiste a fait de la France le pays où ont été assassinés de nombreux juifs. On peut rappeler que le soutien au Hamas est dans la continuation de ceux qui justifiaent en 1972 les massacres du Septembre noir. Les mêmes !

Certes, il y a un antisémitisme traditionnel de droite mais il y a aussi un antisémitisme traditionnel de gauche ancré dans sa filiation trotskyste lambertiste et dont sont issus des représentants insoumis et de la mouvance progressiste. Pour faire écran à ces réalités génantes, on a crié haro sur Serge Klarsfeld en lui faisant le reproche d’avoir appelé à voter pour le Rassemblement national. Cet historien combattif qui fit avec son épouse Beate la lumière sur les crimes nazis a formulé le constat que le parti de Marine Le Pen, rassemblant plus du tiers des Français, ne professait plus d’antisémitisme, à la différence de certains responsables de LFI et que cela orienterait son vote pour le cas où un choix centriste et républicain n’était pas possible. Cette position singulière et qui n’engage que lui ne se voulait pas prosélyte, elle constatait par réflexe républicain que c’était un progrès de la part d’un parti rassemblant plus du tiers de Français, et qui jadis proférait un antisémitisme d’atmosphère de s’en être aujourd’hui salutairement éloigné. Tout se passe comme si une certaine nostalgie pour ce passé antisémite venait hanter certaines belles consciences insoumises au point de les faire renouer avec ce pari antisémite qui empoisonne la démocratie et ruine les principes républicains. Tout se passe comme si, c’est la thèse de l’éminent philosophe Pierre Manent, on cherchait à expulser le signifiant « juif » de la Cité pour mieux en pervertir ses principes républicains et ses rouages citoyens.