L’automobile doit s’adapter à la ville qui elle-même s’adapte au changement climatique*
Commençons par cette citation d’Héraclite : tout bouge
En effet dans les années 60, la société était relativement immobile . La distance moyenne du trajet domicile-travail était de 3km. Le vélo ou le vélosolex y suffisaient.
SUIVIRENT LES ANNEES DE LA CONQUETE JOYEUSE DE LA MOBILITE AUTONOME
Qui virent 80% des ménages posséder une voiture, 80% d’une classe d’âge passer leur permis. On s’achetait une voiture d’occasion, et avec une voiture on pouvait trouver un logement moins cher, éloigné du centre-ville. Le logement était, est toujours, l’objectif central des Français, et le moyen de transport en est une des clefs. La question était d’optimiser le coût du déplacement et celui du transport. Il faut toujours les considérer ensemble.
Loi LOTI de 1982 consacre le DROIT AU TRANSPORT
Aujourd’hui la distance a été multipliée presque par 10, les trajets quotidiens sont de l’ordre de 30 à 40 km/jour, l’aire moyenne de recrutement des employeurs est aujourd’hui de quatorze kilomètres, mais le niveau de vie n’a pas connu une progression identique. La voiture coûte 3 800 euros par an, soit 12% des dépenses des ménages, et faire 20km/jour coûte 250€ par mois, un peu moins que le quart du SMIC.
LE DROIT EST DEVENU NECESSITE
Le transport est devenu une obligation car l’aptitude à la mobilité est indispensable à l’insertion. Et si on voit remettre en cause un trop-plein de mobilité pour des raisons écologiques, notamment l’automobile en ville, la SOUS-MOBILITE EST DEVENUE UNE QUESTION SOCIALE à laquelle il faut répondre.
Au fil des lois, ce sont les régions et les intercommunalités qui sont devenues les « autorités organisatrices » de de la mobilité. Les transports seront régulés sur tout le territoire. Plus tard peut-être nous aurons des autorités pour l’habitat.
Ces autorités régionales ont à travailler sur 3 espaces La ville, la périphérie urbaine, la campagne
1 Commençons par les zones rurales où 50% de la population n’a pas de station de bus à moins de 10mn, cette population est dépendante de l’automobile, c’est pourquoi les obstacles, les contraintes imposés à l’automobile touchent cette population de plein fouet Je pense notamment aux ZFE
Mieux eût valu instituer des péages urbains aux recettes affectées à l’amélioration de la mobilité
L’électrification de la mobilité rurale est donc une priorité, ce qui signifie des aides à l’acquisition de véhicules électriques, à l’installation des bornes de recharge, à la formation des garagistes. Notons au passage que la France dispose d’un patrimoine routier remarquable. On en fait quoi ? des routes réservées aux poids lourds ?
2 la périphérie urbaine : entre la périphérie et le centre, la circulation représente 50% des émissions des transports. C’est l’espace où vit une population aux revenus modestes. Le moindre pépin – accident, retrait de permis, etc. – envoie l’automobiliste sous la ligne de flottaison. Au reste, deux millions d’automobilistes sont hors la loi : pas d’assurance, pas de permis… L’exclusion de la mobilité crée des quartiers ghettos. On a commencé à prolonger les lignes de transport collectifs, à mailler les banlieues entre elles ; le transport à la demande se développe ; insistons sur l’importance de l’éducation pour s’y retrouver dans les itinéraires…
3 la ville : Génie du lieu, pas de recette unique. Toute une palette : trams, vélos, PLU (bureaux sans parkings près d’un arrêt de bus), horaires décalés, télétravail, livraisons, stationnement (incitatif pour VE ou autopartage), etc. Un vainqueur : le vélo électrique or l’infrastructure vélo n’est pas si facile. Qui finance les escaliers mécaniques du métro ? La ville intelligente (mais attention aux tempêtes !), la complémentarité entre les transports rapides intercités et les transports urbains.
LA MOBILITE : UN SYSTEME DE SYSTEMES
Selon l’expression de Cécile Maisonneuve, la mobilité est un système de systèmes : le système de transport (l’offre), le système de l’aménagement de l’espace, le système des styles de vie de chacun : retraité, étudiant, actif, enfant. En somme c’est une quasi industrialisation de l’individualisme qui est nécessaire.
LA DECARBONATION
Le pic des émissions des pays développés est derrière nous, ça descend mais trop lentement. Ce n’est pas vrai qu’on ne fait rien. En témoigne la brutalité de l’électrification des véhicules légers, l’industrie automobile souffre. L’avion veut des SAF (sustainable aviation fuels, le nec plus ultra étant le carburant de synthèse associant CO2 et H2), les navires passent au méthanol…
En revanche c’est plus difficile de décarboner le bâti existant, les industries énergivores. Les pouvoirs publics veulent aller plus vite, procédures simplifiées, décarbonation rime avec dérogation !
Il faut encore jouer sur la synergie entre le bâtiment et la mobilité. Jadis les logements avaient leurs écuries, je me souviens d’une vision d’architecte : un bâtiment aux terrasses qui se détachent, descendent dans la rue et deviennent des voitures. Certains suggèrent la voiture comme partie commune d’une copropriété comme l’ascenseur. Aujourd’hui électricité et le numérique bas carbone permettent de relier la batterie du véhicule à l’installation électrique du bâtiment et au réseau.
Au Salon de l’auto la présence de Netflix m’a paru révélatrice de l’image qu’on se fait des automobiles de demain. Les passagers peuvent se distraire. On voit apparaître des voitures volantes. On rêve de voitures autonomes traitant des milliards de données en liaison avec des routes intelligentes. On pourra lui dire : « Va chercher les enfants à l’école ».
En 1972, le Président Pompidou voulait adapter les villes à l’automobile. Aujourd’hui l’automobile doit s’adapter à la ville qui, elle-même, s’adapte au changement climatique.
* Communication faite lors du 7ème Forum Franco-Allemand
Homme politique français, ancien ministre.
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Brice Lalondehttps://lepontdesidees.fr/author/blalondeauteur/
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