Les défis de l’Afrique 2025/2030
Face aux nouvelles mutations mondiales et aux contraintes internes, le principal défi pour l’Afrique sera pour son développement doit être axé dans le cadre d’une planification stratégique, sur la bonne gouvernance globale, territoriale et d’entreprise, facteurs solidaires objet de cette présente contribution.
La bonne gouvernance globale
Selon les Nations Unies, la bonne gouvernance comprend les éléments suivants (voir l’intervention ronéotypée du professeur Abderrahmane Mebtoul donnée devant les ministres africains à l’invitation de l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) 27/30 janvier 2014) :
– la participation : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel ;
– la transparence : découlant de la libre circulation de l’information ;
– la sensibilité : des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants ;
– le consensus : des intérêts différents sont conciliés afin d’arriver à un vaste consensus sur ce qui constitue l’intérêt général ;
– l’équité : tous, hommes et femmes, ont des possibilités d’améliorer et de conserver leur bien-être ;
– l’efficacité et l’efficience : les processus et les institutions produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources ;
– la responsabilité : des décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile ;
– une vision stratégique : des leaders et du public sur la bonne gouvernance et le développement humain et sur ce qui est nécessaire pour réaliser un tel développement ;
– et très récemment la prise en compte la préoccupation, environnementale.
Pour l’ONU, les acteurs de la bonne gouvernance sont les différents groupes « Porteurs d’intérêts », « Preneurs de décision » et « Fournisseurs d’opinion », ce que l’on appelle généralement les « Stake Holder » , impliquant donc les modalités de prise de décisions qui sont les « Fournisseurs de services », les « Détenteurs de la technologie » : le gouvernement, les collectivités territoriales, le pouvoir législatif, les associations d’écologistes et de la société civile, les investisseurs, les universités et autres centres de décision, le secteur des Affaires, le secteur bancaire, les institutions internationales internationale dont les organisations à vocation universelle, l’organisation des Nations-Unies, les institutions économiques internationales (ex : CEE, BM, FMI, BRI et OMC) et des organisations multilatérales : OCDE, l’Union Européenne… Pour mesurer la bonne gouvernance, sur le plan politique et institutionnel, il y a plusieurs critères :
– la voix citoyenne et la responsabilité qui mesurent la manière dont les citoyens d’un pays participent à la sélection de leurs gouvernants, ainsi que la liberté d’expression, d’association et de presse ;
– la stabilité politique et l’absence de violence qui mesure la perception de la probabilité d’une déstabilisation ou d’un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme ;
– l’efficacité des pouvoirs publics qui mesure la qualité des services publics, les performances de la fonction publique et son niveau d’indépendance vis-à-vis des pressions politiques ;
– la qualité de la réglementation qui mesure la capacité des pouvoirs publics à élaborer et appliquer de bonnes politiques et réglementations favorables au développement du secteur privé ;
– l’État de droit, à ne pas confondre avec la démocratie occidentale, chaque pays devant concilier la modernité et son authenticité, qui mesure le degré de confiance qu’ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s’y conforment et en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la violence ;
– la maîtrise de la corruption qui mesure l’utilisation des pouvoirs publics à des fins d’enrichissement personnel.
La gouvernance territoriale
La gouvernance territoriale désigne un mode de gestion politique locale, s’appuyant sur la mobilisation des ressources humaines et naturelles, sur la capacité à réguler un territoire dans le cadre d’un système partenariat avec des acteurs multiples. Selon l’analyse dans Froger (2006), et des professeurs Leloup, Moyart et Pecqueur (2005), les crises financières des États, le changement idéologique du politique vers la sphère marchande comme espace de régulation, la globalisation avec le développement d’institutions transnationales et la montée en puissance d’acteurs non étatiques, les critiques envers l’État et ses échecs dans la gestion des problèmes collectifs, l’émergence d’une nouvelle gestion de l’action publique, le changement social et les complexités croissantes, l’importance grandissante accordée aux modes de régulation à l’échelon régional et international (ou global), sont autant d’éléments qui justifient la gouvernance territoriale gouvernance où l’État n’aurait plus le monopole de l’expertise, ni des ressources économiques et institutionnelles nécessaires pour gouverner… La gouvernance territoriale consiste à faire du citoyen un acteur important du développement de son territoire où l’État est comparable à un écosystème associe des dimensions sociales, culturelles, environnementales, économiques, politiques, etc., à des acteurs variés dans un jeu d’interactions complexes. Ainsi le territoire ne s’entend pas comme un simple échelon spatial parmi d’autres mais comme un construit social permanent, en constante appropriation, étant par essence ouvert, nourri par les échanges et les relations, emboîté dans un ensemble d’autres espaces qu’il influence et qui l’influencent réciproquement, les limites du territoire n’étant plus définies en référence à un périmètre politico administratif (aspect politique) ou comme un fragment d’un système productif national (aspect économique) mais le lieu d’intersection de réseaux (physiques ou humains, formels ou informels), de stratégies et d’interdépendances entre partenaires reliés entre eux, le lieu de production, de négociation, de partage d’un devenir commun. Le système est bâti sur la proximité géographique de ses acteurs mais aussi sur la dynamique commune qui les rassemble, le construit – les actions – qui résultent de ces relations, voire les règles, normes et principes acceptés et mis en œuvre ensemble. Cela rejoint mes propositions opérationnelles formulées depuis de longues années dans mes ouvrages[1]. Il s’agit de procéder à une autre organisation institutionnelle, souple, avec comme rôle essentiel la prospective du territoire en évitant le centralisme administratif, afin de construire un socle productif sur plus d’individus et davantage d’espace, qui ne sera efficace que sous réserve d’objectifs précis, d’opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques. Il ne s’agira pas d’opposer le rural à l’urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites mais d’organiser leurs solidarités. Pour cela, il s’agira de favoriser une armature urbaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures, les réseaux de communication étant le pilier impliquant une nouvelle architecture des villes, des sous-systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien qu’autonomes dans leurs décisions. Cette organisation institutionnelle implique d’avoir une autre organisation tant des ministères que des wilayas par des regroupements évitant les micros institutions budgétivores, incluant la protection de l’environnement… Après le tout État, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale et c’est aux collectivités locales que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement devant se constituer en centre d’apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l’accomplissement de ses missions qui doivent apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d’un espace. En bref, il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu’une solution nationale. Car une centralisation à outrance favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c’est-à-dire une gouvernance qui s’impose par la force et l’autorité loin des besoins réels des populations et produit le blocage de la société.
La gouvernance d’entreprise
Il ne faut pas confondre la gestion d’entreprise avec le concept de gouvernance d’entreprise qui concerne les structures, les processus et les mécanismes par lesquels une entreprise est dirigée et contrôlée alors que la gestion d’entreprise concerne les opérations quotidiennes et l’administration pour atteindre ses objectifs. Ne gouvernant pas de la même manière une grosse société internationale et une PMI/PME locale, nous avons traditionnellement deux types de gouvernance d’entreprise : nous avons la gouvernance actionnariale appelée modèle shareholders, qui consiste à privilégier les intérêts de l’actionnariat, en leur offrant un contrôle sur les actions déployées en entreprise et en privilégiant un équilibre actionnaires/dirigeants, et la gouvernance partenariale, aussi nommée modèle stakeholders, qui tient compte de l’ensemble des parties prenantes et de leurs intérêts en intégrant d’autres éléments tels que les consommateurs ou l’environnement. La gouvernance d’entreprise repose sur plusieurs critères universellement reconnus :
- L’indépendance des administrateurs ;
- L’intégrité de l’organisation par le respect de la loi et des réglementations, mais aussi au niveau d’autres facteurs tels que la sécurité des salariés ;
- La reddition de compte afin d’assurer les intérêts de toutes les parties prenantes nécessitant de « rendre des comptes » à tous les acteurs, pas seulement aux actionnaires ;
- La planification stratégique de l’entreprise, est un facteur clé de sa réussite, quels que soient la taille, le secteur d’activité et la nature, permettant d’atteindre les objectifs mais devant être adaptée aux situations actuelles et futures fonction de facteurs exogènes, comme cela a été le cas de l‘épidémie du coronavirus (télétravail) des perspectives des indicateurs de la croissance de l’économie nationale et internationale de l’inflation, des tensions sociales, parfois des augmentations de salaires et de facteurs géostratégiques d’où l’importance de la prospective afin de gérer les risques, anticiper l’avenir ;
- Un conseil d’administration plus inclusifs, la diversité, devant toucher à la fois : l’âge, le genre, les origines, la culture, le milieu social, les expériences devant favoriser des débats productifs afin que l’entreprise réponde aux défis aux objectifs économiques gouvernementaux ;
- La ressource humaine étant le fondement de la réussite, les administrateurs et les postes clefs au niveau de l’entreprise devant être sélectionnés pour leurs compétences et leur capacité à représenter au mieux les parties prenantes et pas pour des raisons personnelles ;
- Faire appel à un œil externe afin d’obtenir des compétences complémentaires, notamment sur le plan technologique et de nouvelles idées afin d’innover ;
- Les leadership humains qui devront avoir une approche plus humaine, notamment dialoguer avec l’ensemble du collectif de l’entreprise, la bonne communication qui étant la base de la transparence, ne s’adressant plus uniquement à l’actionnariat, mais à toutes les parties prenantes, internes comme externes dixièmement, favoriser la protection de l’environnement qui constitue un enjeu majeur pour les sociétés, devant l’inclure dans son périmètre.
En conclusion, les défis pour l’Afrique continent à importantes potentialités, et sous réserve d’une bonne gouvernance, selon les prévisions internationales sera la locomotive de la croissance de l’économie mondiale entre 2030/2040/2050, expliquant les nombreuses rencontres mondiales et les rivalités des grandes puissances et des pays émergents, son devenir étant avant tout aux mains des africains eux-mêmes. Une mauvaise gouvernance globale, territoriale et d’entreprise, facteurs liés d’ailleurs, encourage sa marginalisation, et multiplie l’abus de la puissance publique détournée à des fins privées et la corruption qui minent la confiance de l’opinion publique à l’égard des pouvoirs publics et menace le développement économique du continent.
[1] voir Abderrahmane Mebtoul, Les défis de l’Algérie développement et démocratie OPU 1980, Casbah Éditions 2002 ; Le Maghreb dans son environnement régional, Institut Français des Relations Internationales IFRI Paris 2013 ; synthèse reproduites dans PressReader et Institut du monde arabe, imarabe.com ; contributions diverses sur ce sujet disponibles au niveau national et international.
Professeur des universités, expert international
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Abderrahmane Mebtoulhttps://lepontdesidees.fr/author/amebtoulauteur/
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