Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Vivre avec la perspective de la fin

Au moment où le débat sur la fin de vie va mobiliser toutes les énergies, avec un positionnement binaire, pour ou contre… Il faut craindre qu’une partie du pourquoi de cette interrogation existe.

Cette réflexion est celle d’un citoyen comme un autre, si ce n’est que la vie l’a très tôt confronté à la perte d’un proche.

Cela ne me procure pas de légitimité plus grande, je ne suis pas un spécialiste de ces questions, j’ai simplement pris le temps de m’interroger sur ces questions et c’est précisément cette interrogation que je voudrais dans cet article avec vous partager.

Poser la question de la fin de vie, c’est assurément s’interroger sur 2 notions toujours absente du débat. Deux notions qui portent en elle la peur. La peur de souffrir et la peur de mourir.

Au fond, on voudrait légiférer notre propre finitude et donc déchéance comme pour la conjurer.

Pourquoi vouloir légiférer sur la fin de vie ?

C’est cette question et la non réponse qu’elle engendre qui en réalité pose question.

On se retrouve alors invariablement sur une ligne de crête entre l’affirmation de la nécessité de légiférer pour accélérer la fin de la vie pour des individus malades et condamnés…

Dans ces conditions, ce n’est pas la peur de la mort le premier monteur mais le contrôle de sa propre finitude associé à notre peur de souffrir.

En réalité, il y a là comme le prolongement de l’expression d’une forme de toute puissance entièrement tournée vers l’individualisme contemporain.

En effet, il ne s’agit pas de suicide assisté mais d’une possibilité offerte par la société à décider de la fin.

Cette déresponsabilisation de l’acte de mise à mort n’est pas sans interroger.

D’abord, parce qu’elle exprime l’inconfort et l’impuissance de celui qui n’est pas malade devant celui qui entre dans la dernière ligne de sa vie et il y a en filigrane et tel un non dit, notre propre angoisse de la mort qui vient se projeter sur la fin annoncée de celui qui est malade.

Il se trouve que j’ai eu la chance d’accompagner des proches à l’orée de la mort, évoquant même avec eux la fin de la vie 2 heure avant la fin et j’ai toujours pensé que cela avait constitué une grande chance dans ma vie.

Mais pour pouvoir affronter cette fin programmée, il faut l’avoir fait sienne… La conscience d’être mortel constituant alors une pierre angulaire qui vient encadrer toute notre existence.

Dès lors, la question de la nécessité de légiférer la fin de vie se heurte à un autre interdit, on ne peut imaginer une société humaine où l’on offrirait une possibilité de donner la mort.

Pourtant, si liberté de l’individu il y a, la question qui devient centrale c‘est celle du suicide assisté. D’abord, parce que cela procède d’une décision du principal intéressé.

Ensuite, parce que la liberté de l’individu doit s’apprécier dans sa plénitude et donc dans un droit inaliénable à disposer de son propre corps et donc de sa vie.

Au fond, nous vivons avec la perspective de la fin et nous avons le droit de pouvoir décider du moment. C’est là l’expression d’une liberté intime loin des projections de nos propres angoisses.

J’entends déjà les discours religieux qui fait du divin la seule forme à même de prendre la vie puisqu’elle en serait à l’origine.

Je le concède, ce discours m’est profondément étranger puisque j’y vois bien au contraire l’expression d’une angoisse devant la mort… C’est selon moi l’essence même du fait religieux. En réalité, il nous faut avant de légiférer apprendre à vivre avec la perspective de la fin, et d’arriver à considérer que notre propre finitude est incontournable mais assurément pas tragique… Apprendre à être de passage.           

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Président de LCP

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