Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Les juifs, la République, la démocratie

Les juifs ont participé avec ferveur et reconnaissance au culte de la nation issue de la Révolution française.

On ne peut pas comprendre les formes spécifiques du franco-judaïsme sans l’inscrire dans l’histoire de l’intégration de la nation dont les juifs forment une partie.

La nation française est le produit d’une longue histoire et la population est l’héritière d’un long processus d’homogénéisation auquel ont successivement œuvré les Rois de France, les Révolutionnaires jacobins et les Républicains des années 1880. Les institutions nationales que ces derniers mirent en place à la fin du siècle prenaient la suite d’institutions dont certaines avaient été mises en place depuis des siècles.

L’intégration nationale moderne a été assurée par un projet politique né des valeurs incarnées par la Révolution, par l’idée et les institutions de la citoyenneté individuelle, en refusant toute constitution de « communautés » particulières. Cette politique, qu’on a qualifiée jusque dans les années 1970 de politique d’assimilation (on parle aujourd’hui d’« intégration », mais, si le mot a changé, la politique reste fondamentalement la même) n’impliquait pas que fussent supprimées toutes les spécificités des populations progressivement intégrées dans la nation. Ce n’est ni possible ni souhaitable. Elle impliquait que toutes les particularités fussent maintenues dans l’ordre du privé et que les individus se conformassent à la logique française dans l’ordre du public. La politique dite d’assimilation n’a jamais interdit le multiculturalisme dans l’ordre de la vie personnelle et sociale, mais elle interdisait qu’il se manifestât dans la vie publique. Dans l’école, dans l’entreprise, dans le syndicat, dans l’occupation de l’espace urbain, la politique française a toujours refusé de prendre en compte la dimension « ethnique », qui apparaissait contradictoire avec l’affirmation de la citoyenneté individuelle et le principe de la gestion de la diversité, fondé sur la séparation du public et du privé.

Dans la mesure où la tradition nationale associait étroitement unité politique et unité culturelle, toute manifestation de particularisme politique ou culturel, qu’il fut breton, occitan ou juif, apparaissait comme une menace objective à l’unité nationale. Plus que tout autre pays européen, la France tend vers la confusion de l’unité politique et de l’unité culturelle. À partir des années 1880, avec la construction des institutions républicaines et en particulier, la fondation de l’école publique, gratuite et obligatoire, chargée de former le citoyen, le gouvernement imposa à tous les Français la même langue, la même culture, les mêmes références historiques et patriotiques.

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