Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Que fait la France à Bruxelles ?

Il est plus que temps que nos élus et nos ministres se mobilisent pour le nucléaire

Avec la mise en circulation par la Commission européenne, au soir du 31 décembre 2021, d’un projet d’acte  délégué visant à considérer que certaines activités des secteurs du gaz et du nucléaire avaient un rôle à jouer dans la transition énergétique et pouvaient dès lors venir s’ajouter, à titre transitoire, à celles déjà couvertes par le premier acte délégué relatif à l’atténuation du changement climatique, on pensait la cause entendue : le nucléaire ne rentrerait par la grande porte dans la taxonomie – le règlement du 18 juin 2020 ne le permet pas – mais bénéficierait cependant d’un strapontin lui permettant de rester présent dans le théâtre de la transition énergétique.

Et patatras, voilà que les deux commissions Economie (ECON) et Environnement (ENVI) du Parlement européen, réunies en séance commune le 14 juin, adoptent par une majorité 76/62 une motion incitant le Parlement à voter lors de sa séance plénière des 4 au 7 juillet en faveur de l’objection à l’acte délégué. Les débats ont été très tendus car on sait que les oppositions nucléaires/antinucléaires ne datent pas d’hier et que l’Allemagne a tout fait pour les attiser en se prononçant, elle-même, en tant qu’Etat contre l’acte délégué. Mais la guerre en Ukraine est venue renforcer les divisions à propos du gaz et les oppositions sur chacun des sujets se sont ajoutées.

Paul Tang (Pays-Bas), l’un des leaders des Sociaux-démocrates prévient : « ce vote est un message fort à la Commission. Ce Parlement n’acceptera pas que l’on institutionnalise le greenwashing » et Simona Bonafé (Italie) n’est pas moins formelle : « nous n’avions aucun autre choix que celui de voter contre un acte labellisant le nucléaire et le gaz comme compatibles avec la taxonomie »

Le résultat du vote de juillet est incertain. Une majorité simple au parlement européen suffirait à bloquer l’entrée en vigueur de l’acte délégué, auquel cas gaz et nucléaire seraient renvoyés dans les limbes des énergies non vertueuses.

Les opposants à l’acte délégué ont beau jeu de répéter à tue-tête que ni le nucléaire ni le gaz ne présentent les caractéristiques leur permettant d’être considérés comme labellisables et c’est de fait lors de la discussion du règlement du 18 juin 2020 (mis en circulation dès 2018) qu’il eût fallu veiller à ce que le nucléaire soit considéré à l’article 10-1 de ce règlement comme apportant une contribution substantielle à l’atténuation du changement climatique. Nos élus, nos ministres, notre administration peuvent être taxées de négligence, de naïveté ou de myopie : le résultat est là. Même l’entrée par la petite porte risque à présent d’être refusée à une énergie vitale pour la France et dont la contribution à la décarbonation ne peut être contestée que par les sots.

Il faut se reprendre et d’urgence, et cesser de se faire mener par l’Allemagne, par ses obligés et par la Commission où ils tiennent infiniment plus souvent la plume que les Français.

Certains diront que le pire n’est jamais sûr et que finalement cette taxonomie ne servira pas à grand-chose. Pas si sûr et les avis au sein de Passages se sont révélés très divers sur ce point.

Prenons le problème en sens inverse : supposons que l’argument majeur avancé par les opposants à l’acte délégué – selon lequel la labellisation du gaz et du nucléaire décrédibiliserait la taxonomie – soit vrai, alors développons tous nos efforts pour y faire rentrer le nucléaire. Au moment où l’Europe propose d’accentuer ses efforts pour sortir de la dépendance russe et accélérer la transition vers la neutralité climatique, nous avons besoin de projets et d’action et pas de bureaucratie stérile.

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Président du comité scientifique d’Equilibre des Energies

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