Le nucléaire, énergie de transition ou énergie durable ?
En 2022 le Parlement européen a validé l’inclusion du nucléaire et du gaz fossile dans la taxonomie verte en tant qu’énergies de transition par 328 voix contre 278, suivant en cela les recommandations du Joint Research Center (JRC), organe scientifique de la Commission. Cela permettra au nucléaire de bénéficier d’aides financières au même titre que les renouvelables. Mais le Parlement a conditionné ces aides au respect de certaines contraintes en instaurant des dates limites pour l’obtention de ces aides. La prolongation des réacteurs actuels doit être décidée avant 2040 et la construction de nouveaux réacteurs avant 2045, des échéances qui ne sont pas compatibles avec les calendriers actuels de renouvellement ou de construction dans de nombreux pas de l’Union. De plus, peu de choses sont dites sur les réacteurs de quatrième génération dont le potentiel est pourtant important et prometteur. Cette position ambiguë montre que l’on a besoin du nucléaire pour réaliser la transition énergétique vers une économie bas carbone mais, en même temps, on semble ne pas croire au nucléaire comme énergie durable.
Cette question relative à la place à long terme du nucléaire au sein du mix énergétique européen a été basée sur des considérations politiques voire idéologiques plus que sur des considérations purement scientifiques ; cette dérive mérite que l’on s’interroge sur la façon dont la science est sollicitée dans les choix stratégiques en Europe, contrairement à ce que l’on observe aux Etats-Unis, pays dans lequel le Congrès s’appuie beaucoup sur des commissions d’experts de « sciences dures ».
La crise de 2022-2023 (envolée des prix de l’électricité) a relancé l’intérêt du nucléaire et fait émerger de nombreux projets de réacteurs de 3e et 4e générations (y compris pour les SMR). Du coup le nucléaire semble devoir profiter d’un second souffle au sein des pays de l’Union et ces projets montrent que le nucléaire est une énergie qui a vocation à être pérenne et non plus seulement transitoire, à la différence du gaz auquel il avait été associé.
Cette crise a également contribué à relancer la réforme du marché européen de l’électricité et de nouveaux mécanismes de financement sont proposés pour financer les investissements de demain. On peut citer les « contrats pour différences » (CfD pour Contracts for Differences) et les contrats de long terme (PPA pour Power Purchase Agreements). Une forme particulièrement intéressante de ce type de contrats est aujourd’hui étudiée : les CAPN (Contrats d’Allocation de Production Nucléaire), qui sont des contrats de partenariat négociés sur une longue période (15 ou 20 ans) entre un producteur d’électricité nucléaire (EDF) et un gros industriel électro-intensif. L’industriel participe au financement de l’investissement mais bénéficie en contrepartie de droits de tirage sur la production future d’électricité. Il fait donc une avance de trésorerie et partage les risques avec l’opérateur, mais il a de son côté l’assurance que le prix de son électricité sera calé sur le coût moyen de ce nucléaire.
Ces éléments montrent que, loin d’être une énergie de transition, le nucléaire a vocation à participer à la production d’électricité de façon durable en Europe.
Professeur Emérite à l’Université de Montpellier
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Jacques Perceboishttps://lepontdesidees.fr/author/jpercebois/
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