Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Elections américaines : avantage Trump

Deux semaines avant l’ouverture des bureaux de vote (mais parfois plusieurs semaines après le début du vote, plusieurs Etats ayant ouvert la possibilité de voter par anticipation), il reste à peu près certain que l’élection sera serrée – mais sa dynamique s’être clairement orientée en faveur du candidat Républicain.

Si l’on observe la moyenne des sondages, l’avantage de Harris dans l’ensemble de la population est passé de 2 points à 0,8 point.  Par comparaison, à la même date (21 octobre) Biden avait un avantage moyen de 7,5 points en 2020 et Clinton de 6,2 points en 2016 face à Trump.

Surtout, Trump est désormais en tête dans tous les 7 Etats charnières qui décideront l’élection, avec un avantage moyen de 1,2 point.  Quand on analyse Etat par Etat, cet avantage est parfois inférieur à la marge d’erreur : c’est le cas dans le Nevada, le Wisconsin, la Caroline du Nord et la Pennsylvanie).  En revanche, il est plus prononcé en Géorgie et en Arizona, qu’on peut presque retirer de la liste des Etats charnières, ainsi qu’au Michigan.  De plus, le fait que Trump est passé en tête partout – ce qui n’était pas le cas il y a deux semaines – est probablement le signe qu’un momentum est en place.

Par ailleurs, Trump a un léger avantage dans le décompte du collège électoral avant prise en compte des Etats charnières.  Si Harris gagne le Nevada, le Wisconsin et la Caroline du Nord (et Trump le Michigan, la Géorgie et l’Arizona), la Pennsylvanie décidera toute l’élection.  Au contraire, si la vice-présidente perd le Wisconsin ou la Caroline du Nord, elle perdra l’élection même en gagnant la Pennsylvanie.

Il reste possible que, comme en 2016 et en 2020 (mais dans le sens inverse), les sondages souffrent d’une erreur systémique qui se manifestera le jour de l’élection. Pour mémoire, la moyenne des sondages avait surestimé Clinton de 2 points et Biden de 4 points dans les Etats charnière.

Mais l’approche indirecte, utilisant des indicateurs qui ne portent pas sur les intentions de vote mais sur des questions qui leur sont corrélées, ne donne pas de meilleurs résultats pour la vice-présidente.  Harris reste personnellement plus populaire que Trump, mais l’écart s’est resserré (48 % de popularité pour Harris, 45 % pour Trump).  Tous les sondages indiquent une érosion de la domination traditionnelle des idées Démocrates parmi les minorités ethniques, qui étaient traditionnellement leur chasse gardée.  Ces idées ne renforcent vraiment leur avantage que parmi les urbains diplômés (surtout les femmes), qui risquent de ne pas fournir la masse critique nécessaire.

Les indicateurs de mobilisation des électorats sont beaucoup plus difficiles à établir.  On en est souvent réduit à des analyses qualitatives – mais ces analyses sont, elles aussi, plutôt favorables aux Républicains. Les électeurs font plus confiance aux politiques Républicaines que Démocrates (indépendamment des personnes) sur les deux questions qui arrivent en tête dans l’ordre des priorités : l’immigration et la gestion de l’économie.  Ils font également plus confiance aux Républicains dans la gestion des crises mondiales : cet indicateur est généralement situé plus bas dans l’ordre des priorités, mais la situation géopolitique particulièrement tendue pourrait le faire remonter cette année.

L’environnement électoral ne présente pas beaucoup de bonnes nouvelles pour les Démocrates.  Alors qu’ils bénéficiaient en 2016 et 2020 du soutien unanime des GAFA, le rachat de Twitter par Elon Musk et son engagement pour Trump créent cette année un paysage plus divisé.  2024 n’a connu aucune mobilisation massive pour des causes proches des Démocrates comme c’était le cas en 2020 avec le mouvement « Black Lives Matter ».  Au contraire, la guerre Israël – Hamas a créé une division et une acrimonie interne au sein de l’électorat Démocrate qui n’a pas d’équivalent chez les Républicains.  Or, les électorats divisés se manifestent souvent par des taux de participation plus bas.

Enfin, il y a plus de petits candidats à gauche qu’à droite, ce qui crée un risque d’érosion des votes Démocrates qui peut tout changer dans les Etats charnières.

L’élection n’est pas acquise : comme indiqué plus haut, il ne serait pas contraire à la marge d’incertitude des sondages qu’Harris gagne en remportant à la fois Caroline du Nord, Wisconsin et Pennsylvanie (ou Michigan, Wisconsin et Pennsylvanie).  Mais l’équilibre des probabilités penche désormais en faveur de Trump.

Plus de publications

Normalien, énarque

Articles liés

Réponses