La métropole démesurée ?
Le concept de ville est-il encore adéquat pour théoriser ce que celle-ci parait devenir dans le monde entier ? La ville ne change-t-elle alors pas de nature au point que le concept de ville ne soit plus opératoire aujourd’hui pour en peser autant l’actualité que le devenir ? La métropole n’est-elle pas une notion seulement bien commode pour signifier cette prolifération tandis que ce changement d’échelle contemporain demanderait un concept lui-même nouveau, qui correspondrait alors à une intelligence des limites, afin de bien comprendre « comment ça marche », la Crise, absolument nouvelle, que le Covid a révélée, à la fois écologique (réchauffement climatique), sociale, économique (numérisation concurrente des monnaies souveraine)… au sein de ce que Paul Virilio désignait déjà il y a 30 ans en tant que Cybermonde… !
La ville est-elle encore un concept pertinent pour désigner les métropoles comme si celles-ci demeuraient encore des villes, tandis qu’elles s’étendent universellement à l’infini ?
Certainement pas : les métropoles – la Métropole entendue en termes notionnels – ne possèdent pas vraiment tous les facteurs caractéristiques de l’habitat des villes, et autres bourgs : les métropoles sont trop démesurées et trop dé-mesurables pour que l’on puisse leur attribuer une spécificité mesurable et qui serait commune à tout l’espace historique et géographique qu’elles semblent produire dans et vers l’espace indéfiniment étendu autour d’elles. Tout l’habitat qu’elles abritent ne cesse de s’élargir dans cet espace et dans le temps. Par exemple, la marche à pied était de tout temps un facteur de mesure des aménités urbaines, cela n’est plus le cas aujourd’hui (par aménités urbaines on peut entendre les agréments habituels ressentis dans ce cadre de vie urbain et grâce à lui : paysage, jardins, densité du bâti, relations humaines, mairie, temple, cimetière, accessibilité aux services essentiels, etc… en quelque sorte « l’air de la ville » qui « rend libre », comme l’écrivait « Max Weber »).
Les facteurs et les unités de mesure des métropoles ne sont évidemment pas toujours différents de ceux des villes, mais lorsque ces facteurs ne disparaissent pas, ils obéissent désormais, dans le monde entier, à des dynamiques différentes, ou ont d’autres significations…
Depuis pour le moins Athènes au Ve siècle BC (l’agora), ou Rome (le forum) on peut par exemple communément parler de « citoyenneté urbaine », sans chauvinisme, mais c’est plus difficile de se sentir pleinement citoyen d’une agglomération métropole, au-delà d’un premier boulevard périphérique, cela serait alors commettre, partant depuis son propre sentiment, une désignation anachronique, non pertinente – en termes d’établissements humains – vers ce qui n’est encore qu’un puzzle chaotique administrativement rassemblé.
Loger ? Habiter ? Planifier ?
La température de l’air des métropoles y est hétérogène, selon la temporalité concernée et le rapport espace/densité que l’on peut y calculer ici ou là. La pollution y est ainsi fonction de la démesure du bâti, des transports et des modes de transport qu’elles génèrent et nécessairement en relation la démographie galopante des populations qui s’y sont assemblées…et qui continuent de s’y rassembler, parfois depuis une bonne centaine d’années. Par ailleurs, le changement d’échelle et de configuration démographique de ces formes « urbaines » métropolitaines, leur gigantisme global, confère à celles-ci le rôle d’un marché planétaire nouveau, global, pour les biens matériels et immatériels, normalisés, que contribuent désormais à façonner d’un click instantané sur la commande des flux financiers – technologies numériques aidant – des investissements extra territoriaux ; ce marché se soucie de surcroît exclusivement des plus-values attendues du capital financier investi, au détriment de l’harmonie socioéconomique autant qu’écologique de la planification territoriale et du développement interactif des aménités urbaines entrevues ci-dessus.
Métropole tentaculaire
La relation « centre/périphérie » qui caractérisait la ville historique est désormais submergée par une sorte de vague métropolitaine qui délaisse ces aménités et leurs fonctions pour les retrancher loin du musée des « cœurs de ville ».
Les établissements humains individuels ou collectifs sont alors devenus des nodules que relient des tentacules en réseau chaotique où l’on loge (on séjourne) sans pouvoir y habiter (on y serait chez-soi) !
La Métropole se présente dès lors comme une formation tentaculaire en réseau. Et chaque tentacule (via d’ex petites routes d’inter cités départementales) parait alors y constituer le chainon dont chaque village, bourg et ville ne serait que nodule d’un de réseau de drainage de la rente foncière attendue des investissements consentis.
Sam Szafran. Obsessions d’un peintre
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* Cf. dernier ouvrage Presse des Ponts, de J.C. Lévy, Economie circulaire : l’intelligence des limites, Système terre, système urbain, écosystèmes, Col. J.C. Lévy, P. Mayet. L. Rasoloniaina, débat avec Michel Aglietta, Presse des Ponts, nov. 2021. Jean-Claude Lévy a longtemps travaillé au Ministère des Affaires étrangères.
Historien-géographe
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