Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Susan Sontag, l’héritière d’un féminisme élégant

Libérée du souci de publier et devenue une véritable star, Sontag a voyagé, milité, écrit et tourné des films.

Figure marquante aux États-Unis du féminisme et de la modernité

Dans son essai Sous le Signe de Saturne, Susan Sontag évoque « ce Paris d’aujourd’hui » qui « n’a plus de rapport avec ce qui fut au temps de sa grandeur la capitale du XIXe siècle, et restera le berceau des arts et des idées jusqu’à la fin des années 60. » La fin des années 60 : l’époque où celle qui sera désignée comme « une grande prêtresse de la culture moderne » entre en scène. Béatrice Mousli livre aux lecteurs la première biographie de Susan Sontag. En 600 pages, rien de ce qui pourrait nous déranger dans le parcours de l’intellectuelle américaine n’est occulté. Qui était Susan ? C’est elle-même qui répond : « mon idée de l’écrivain : quelqu’un que tout intéresse ». Béatrice Mousli travaille l’image, la cruauté de l’image que ses collègues brossent de Sontag. La biographie cite quelques lignes d’un roman de Salman Rushdie, Joseph Anton : « il y avait en elle deux Susan, une gentille Susan et une méchante Susan, et si la gentille Susan était brillante, amusante, loyale… la méchante Susan pouvait être un monstre brutal » (p. 491). Plus loin, Béatrice Mousli continue « le portrait » avec un extrait d’un autre roman à clé, Femmes, de Philippe Sollers, qui décrit une Helen « alias Susan Sontag », offrant « un gros paquet » de ses livres au narrateur Sollers, qui, « irrévérencieusement », le « jettera dans le fleuve » « après l’avoir quittée » (p. 396). Le moins qu’on puisse dire, c’est que les romanciers contemporains de Sontag n’étaient pas toujours chevaleresques avec leur inspiratrice et amie. Est-ce l’une des raisons de l’humeur aigre qu’en retour l’écrivaine américaine manifeste à l’encontre des Français dans des entretiens accordés à l’Express et au Nouvel Observateur ? « Les Français sont les moins curieux de tous les Européens », « Lacan ? Il n’y a que vous pour y croire, comme pour trouver du génie à Jerry Lewis », « La culture française actuelle est presque nulle. » (p. 343) « Rien de ce qui est français ne compte aujourd’hui à l’étranger. » Elle juge la France trop traditionnelle pour se laisser pénétrer par la modernité. Elle critique « les incessants renvois d’ascenseurs entre amis », trouve les Français « corrompus par l’amitié, par la loyauté », oppose à leur comportement « l’attitude farouche, incorruptible » d’une Amérique qu’elle nous donne en exemple. Elle prône les universités américaines qui « n’ont pas cet académisme, cette fermeture de l’université française ». Elle assène : « La suffisance de la culture française » « n’est plus justifiée ». Son argument ? « Vous en êtes toujours restés à Sylvie Vartan » (p. 343). Elle se justifiera : « Je descends en flammes la vie intellectuelle parisienne, mais c’est l’effet d’un grand amour déçu. » (p. 343)

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