Le Pont

La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. – Hannah Arendt

Le renouveau du nucléaire européen,
entre opposition, intérêts nationaux
 et coopération

Dans les prochaines décennies, une contribution significative de l’énergie nucléaire est inéluctable si on veut gagner le combat contre le réchauffement climatique ; la prise de conscience de cet impératif, qui a commencé à émerger dans les esprits il y a une quinzaine d’année, a été étouffée par l’émotion considérable soulevée par l’accident de Fukushima en 2011. Depuis, les désordres climatiques devenant de plus en plus apparents et la confrontation à la réalité des diverses solutions alternatives proposées par ses opposants ont conduit à une reprise de la dynamique en faveur d’un développement de l’énergie nucléaire dans l’Union Européenne, malgré l’opposition acharnée de quelques pays.

La politique énergétique européenne fait partie du domaine partagé entre l’Union et les Etats, ce qui veut dire en pratique qu’aucune partie n’a les mains libres pour la définir et la mettre en œuvre. Les pays opposants ont utilisé, et continuent à utiliser, tous les moyens à leur disposition pour bloquer de façon directe ou indirecte l’émergence de nouvelles réalisations nucléaires, au-travers de la rédaction du corpus réglementaire européen.

Quand on parle d’énergie, et particulièrement d’énergie nucléaire, la géopolitique n’est jamais très loin. Or, parmi les pays voulant s’engager dans la réalisation de réacteurs, la vision géopolitique est extrêmement diverse ; prenons la France et la Pologne par exemple.

La France est dotée de l’arme nucléaire, garante de sa sécurité, et a une industrie nucléaire civile complétement déployée. La Pologne s’appuie, pour garantir sa sécurité, sur les Etats-Unis et a une industrie nucléaire inexistante. Leur vision géopolitique de la mise en œuvre d’un programme nucléaire est donc fondamentalement divergente.

Une autre difficulté pour un déploiement européen rapide est que l’énergie nucléaire se nourrit essentiellement de compétences qui sont longues à mettre en place. La France, qui est la mieux industriellement préparée, peine sur ses réalisations actuelles et s’interroge sur sa capacité à réaliser son propre programme. De plus, son catalogue de produits, centré sur un réacteur à très forte puissance, ne répond pas aux attentes et aux besoins de tous les pays européens. Une industrie européenne servant les besoins européens relève donc aujourd’hui du fantasme.

Ce qui ne veut pas dire que des coopérations ne se mettront pas en place ; et il faut souligner que, si on enlève la Russie et la Chine, l’industrie nucléaire mondiale n’est pas en meilleur état que l’industrie française. L’industrie américaine peine tout autant sur ses réalisations, et si elle est plus avancée que l’Europe sur la conception de petits réacteurs, ceux-ci ne sont encore que des objets papiers.

Le déploiement de nouvelles capacités nucléaires en Europe est une course contre la montre. Comment la gagner avec quelques pays qui cherchent à tout prix à l’empêcher, comment créer entre les pays européens partant vers de nouvelles réalisations les coopérations efficaces en protégeant les intérêts nationaux de chacun ?

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Ancien président de NucAdvisor

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